Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Contributions à l'histoire de l'enfance aux XVIIIe et XIXe siècle
9 décembre 2022

La vie quotidienne dans les crèches de l'Oise : Le cadre de vie.

I)  La crèche modèle.

Des normes officielles réglementaient l'éclairage, l'aération et les dimensions des différentes pièces d'une crèche. [1] Certains professionnels décrivirent également la crèche idéale. Selon le Dr Bouquet, [2] ces établissements devaient être construits près d'un parc ou d'un square, dans des endroits peu habités, loin des usines ou des ateliers bruyants et insalubres. Pour I' aménagement intérieur, ii proposait de séparer les enfants selon leur âge. II fallait donc pour les grands une vaste salle, appelée pouponnière et un dortoir, pour les moyens un dortoir et une autre pièce, pour les petits une salle de berceaux et une salle de change. Toutes ces pièces devaient être séparées par des cloisons vitrées et avoir une température constante et adaptée à l'âge des occupants (12 ° dans la pouponnière, 18° dans la salle des berceaux, etc..). Cette crèche modèle devait également posséder une cuisine, une laiterie, une salle de bains, des WC, une salle d'isolement (pour les enfants malades), une salle d'allaitement (pour les mères qui venaient allaiter pendant leurs heures de repos) et éventuellement un cabinet pour le médecin et la directrice, un vestiaire.          

II Les crèches de l’Oise entre 1845 et 1914.

La lecture des rapports d'inspection, l'étude des plans, les réponses aux enquêtes ministérielles nous montrent bien que les établissements de L’Oise étaient loin de ressembler à la crèche du Dr H. Bouquet. D'ailleurs les autorités avaient envisagé très vite des adaptations aux textes de loi. L'article I de 1897 précisait : « Le préfet peut toutefois (...) autoriser des dimensions moindres. » [3]Considérant le peu de crèches existant en France, le Directeur de !'Assistance et de !'Hygiène publique conseillait en 1903, aux préfets, de ne pas être trop exigeants et d'attendre trois mises en demeure restées sans effet avant de décider la fermeture d'un établissement non conforme. [4] Cependant, il faut signaler que les crèches étaient souvent installées dans de vieux bâtiments, qui, à l'origine, n'avaient pas été conçus pour cette destination. [5] De même, les faibles ressources des institutions ne permettaient pas toujours d'entretenir correctement les installations ou de procéder aux innovations nécessaires. Ainsi, de nombreux établissements de l'Oise n'eurent jamais de salle d'allaitement ou d'isolement, et cela malgré les injonctions officielles.[6]

Généralement, les enfants, quel que soit leur âge, demeuraient toute la journée dans la salle principale. Cette vaste pièce, appelée parfois crèche, servait de dortoir, de salle de jeux et de réfectoire. [7] Souvent, une cloison de faible hauteur la séparait en deux parties et isolait ainsi la chambrée. [8]Tous les enfants dormaient ensemble : les petits dans des berceaux, les grands dans des lits de camp. Parfois, les plus âgés s'allongeaient sur le même lit de repos.[9] Les grillages des bercelonnettes étaient en fer, recouverts de rideaux ; les paillasses et paillassons étaient composés de varech de paille d'avoine ou de fougères séchées ; les berceaux portaient les noms de leurs généreux fondateurs. A la crèche Sainte-Elisabeth de Compiègne, ii y avait ainsi le berceau de la tsarine Alexandra et celui du tzar Nicolas. [10]

Lors de nos recherches, nous avons trouvé l'inventaire effectué le 24 septembre 1846,  à Senlis, première crèche de l'Oise. Cet intéressant document nous indique la composition et le contenu d'un « berceau numéroté »  :

-     un rideau en calicot

-     un grand paillasson

-     deux petits paillassons

-     un petit oreiller

-     une couverture en laine doublée en dehors d'une toile de coton imprime

-     un lange en laine

-     deux langes en toile

-     trois couches

-    deux fichus.

Un berceau mesurait 90 cm de long et 50 cm de large.

Au centre de la salle de jeux se trouvait la pouponnière, qui était en quelque sorte le symbole des crèches de ce temps-là.[11] Les articles de journaux ou revues de l'époque étaient souvent illustres par un dessin, représentant ce meuble, occupé  par un grand nombre d'enfants, avec au milieu une sœur portant une cornette. [12] Le journaliste, présent à I' inauguration de la crèche Sainte-Elisabeth en 1906, la décrivait ainsi : « (...) la pouponnière dont la petite table basse circulaire et le minuscule banc qui l'entoure semblent destinés à un conseil municipal de lilliputiens. C'est Ià que les petits bonhommes de la crèche viendront prendre leurs ébats, c’est là qu’ils joueront en s'embarbouillant de confitures ». [13] Cette salle de jeux était chauffée par un calorifère et devait, comme les autres pièces de l'établissement être correctement aérée et ventilée. Mais il n’y faisait pas très chaud. Les règlements précisaient qu’en hiver, la température devait être maintenue entre 12 ° et 16°. [14]

III) Le témoignage des rapports d’inspection.[15]

L'étude des rapports d’inspection nous montre que les établissements de I' Oise ont été parfois vivement critiqués pour leur manque d'hygiène ou leur mauvaise installation. Les deux institutions du Bureau de Bienfaisance beauvaisien furent particulièrement visées par le rapport de Mme Gevin-Cassal en 1907. [16] Elle reprochait Saint-Jean « sa mauvaise tenue générale » manque d'aération, d'éclairage, mauvaise odeur dans le dortoir et la salle de jeux, berceaux trop rapprochés et enfin saleté de la cuisine « à la cuisine, même dédain de l’hygiène. Voisinant avec le lait et la soupe des bébés, II y a depuis quinze ans me dit-on un perroquet dont la cage est malodorante et sous la table une poule avec son poussinée ». [17] La crèche de Saint-Quentin était jugée plus saine. Mais, I ‘inspectrice notait que le vestiaire servait de salle d'allaitement.

Cependant, tous les établissements de l'Oise n’étaient pas toujours aussi mal notés. La crèche rurale de Thieux et celle de Tracy le Mont eurent ainsi des rapports d’inspection moins sévères, bien que tout n’y fut pas parfait. [18]

 

 



[1] Article 2 1862, articles 1 et 2 1897 A.D de l'Oise 3X...

[2] La puériculture sociale .... Op. cit., Archives de I' Assistance Publique Cote A 803.

[3] A.D de l'Oise 3X...

[4] Circulaire du 28 novembre 1903 Facilitésàdonnerauxmèrespourl'allaitement. Henri Monod, conseiller d'état, Directeur de I ' Assistance et I' hygiène publique. Arrivée à la Préfecture de l'Oise 22 mars 1903. A.D de l'Oise 3X...

[5] Pour la crèche St -Jacques de Beauvais, M. Flye loua une maison. Dans la même ville, I' institution Ste-Marguerite utilisa les locaux de I ‘ancienne maison conventuelle. La crèche industrielle de Crépy en Valois était installée dans une dépendance de I' usine.

[6] La crèche deCrépy en Valois de création plus récente (1914), faisait exception car elle possédait une salle d'allaitement et un cabinet médical. Rapport du Dr Paquet, inspecteur départemental d’Hygiène 6 mai 1914 A.D de I' Oise 3X ...

[7] Voir plans de St-Jacques (Beauvais), crèche de Noyon A.D de l'Oise 3X....

[8] Voir description des crèches de Clermont, St Jean-de (Beauvais) ; plan de St-Quentin (Beauvais) A.D de l'Oise 3X....

[9] La crèche de Compiègne possédait un grand lit de repos de 4,5à m de long sur 1,20 de large, d’après un questionnaire rempli par le Dr Wurtz, non daté. A.D de l'Oise 3X.... Ce lit disparaîtra en 1903 pour faire place à des couchettes individuelles plus hygiéniques. Article du Progrès de l’Oise 3 octobre 1906. A.M de Compiègne.

[10] Article du Progrès de l’Oise 3 octobre 1906. A.M de Compiègne.

[11] Une pouponnière est représentée sur le plan de la crèche de ST-Quentin. Dr Leraître  Les crèches de la ville de Beauvais. Op.cit.

[12] Il y a de nombreuses illustrations de ce type dans les Bulletins de la Société des crèches. Sur la couverture de cette revue, se trouve un dessin représentant une pouponnière derrière une gardeuse portant un enfant dans les bras, un bambin tenant sa jupe. Voir aussi la revue L’histoire, la photo d’une pouponnière d’une crèche parisienne. N° 67(1984)

[13] Article du Progrès de l’Oise 3 octobre 1906. A.M de Compiègne.

[14] Senlis 15° (article 13, 1868) ; Tracy le Mont entre 13° et 14° (article 3 1897) A.D de I' Oise 3X... Saint- Jacques (Beauvais) entre 12° et 15° (article 201846) A.M de Senlis 9 Q 5.

[15] Pour la période étudiée, nous avons retrouvé trace de trois visites d'inspection dans les crèches de I' Oise : Inspection de Mme Capdeville en 1893, Mme Landrin en 1905, et Mme Gevin - Cassa! en 1907. A.D de I' Oise 3X ...

[16] De 1893 a1907, St - Jean et St - Quentin feront l’objet de rapports de plus en plus mauvais.

[17] Rapport de Mme Gevin-Cassal, inspectrice générale des services de I' Enfance adresse au Ministre de l’intérieur et date du 1er juillet 1907 A.D de I' Oise 3 X ... 

[18] Absence de salle d’isolement, de bains et WC rudimentaires pour Thieux. Problème avec I' alimentation données aux enfants pour Tracy-le-Mont. Rapport d’inspection 1 er juillet 1907 A.D de I' Oise 3X

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Contributions à l'histoire de l'enfance aux XVIIIe et XIXe siècle
  • Intéressée par l’histoire, j’ai effectué, des recherches dans plusieurs services d’archives sur les thèmes de l’enfance, des sages-femmes. Vous trouverez dans ce blog les écrits rédigés à partir de ces recherches. N. Dejouy
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Visiteurs
Depuis la création 1 459
Publicité