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Contributions à l'histoire de l'enfance aux XVIIIe et XIXe siècle
9 décembre 2022

La vie quotidienne dans les crèches de l'Oise : les médecins et la santé des enfants.

A) Le rôle des médecins dans les crèches selon la législation et quelques avis éclairés.

La législation

Dès le début, les législateurs réclamèrent une présence quotidienne des médecins dans les crèches. L'article 5 de 1862 précisait : « La crèche doit être visitée, tous les jours, par un médecin ». Leurs prescriptions et observations devaient être consignées dans un registre[1] (article 11 de 1862). Ils étaient responsables du suivi médical des enfants et de la bonne tenue de l'établissement (article 15 de 1862 puis l'article 7 de 1897).

Le Bulletin de la Société des Crèches.

En 1906, dans un règlement type, les auteurs du Bulletin de la Société des Crèches précisaient la mission du médecin : « Le médecin de service visite chaque jour la crèche, prescrit tes mesures hygiéniques qui lui paraissent nécessaires, dit quels enfants peuvent être sevrés, indiquent ceux qui ont besoin d’une alimentation ou de soins exceptionnels, et fait rendre à leurs parents les enfants dont l'état maladif n'avait pas été aperçu par la directrice dans la journée ». [2] Mais, comme nous le verrons plus loin, les textes législatifs étaient rarement suivis à la lettre et peu d'établissements bénéficiaient d'une visite quotidienne. Eugene Marbeau le déplorait déjà dans sa revue, en 1897 et étudiait deux solutions pour y remédier. II proposait alors de partager cette tâche entre plusieurs médecins. Mais, dans ce cas-là, la répartition du service devait se faire sur des périodes assez longues, supérieures à la semaine, afin d'éviter plusieurs écueils. Un praticien, qui ne viendrait que pour un court laps de temps, ne connaîtrait pas suffisamment les enfants et limiterait ses prescriptions de peur de contredire ses confrères. De plus, la directrice pourrait être embarrassée par des avis contradictoires. Avec des vacations plus longues, « chaque médecin suit plus longtemps les enfants et se sentant, plus maître de ses prescriptions, prend plus à cœur sa mission ».[3]    Une autre solution consistait à rémunérer les praticiens. Mais au vu des faibles ressources des établissements, ces honoraires seraient modestes et de ce fait peu stimulants. Eugene Marbeau rejetait cette proposition en ces termes : « Le médecin, qui n'a même plus la satisfaction et l'honneur d'obéir au seul mobile de la bienfaisance ne voit que l’indemnité, qui lui est allouée ; il la juge, avec raison, peu proportionnée avec la peine, qu’iI prend et le temps qu'il donne, à l'œuvre et il espace ses visites, se disant après tout que l'œuvre en a encore pour son argent. » [4] D'autre part, il conseillait au médecin de former et d'éduquer le personnel de la crèche, grâce à « des leçons de choses ».

La Revue d'Hygiène.

En 1891, dans un article intitule "L'hygiène des crèches ", le docteur Henri Napias insistait sur la mission de prévention du médecin. « Le rôle des médecins dans les crèches ne devrait pas d'ailleurs se borner aux soins médicaux des enfants, qui peuvent subitement tomber malades et pour lesquels on les fait demander, car il ne doit pas y avoir de malades dans les crèches ; ils n'y peuvent y séjourner que quelques heures, en dépôt, dans un local spécial, convenablement disposé et pendant le temps qu'on met à prévenir la mère d'avoir à reprendre son enfant. Le rôle dumédecin est plus complet et son action doit être préventive. II faudrait que chaque jour : II put constater si les conditions d’hygiène sont remplies au point de vue de la propreté, de la désinfection, de l'alimentation, etc. ». [5]

B) Les médecins des crèches de l'Oise.

Fréquence des visites

Pour la période étudiée, nous nous apercevons qu'aucun établissement de l'Oise ne respectait les directives officielles, même ceux pour qui la visite quotidienne du médecin était inscrite dans leur règlement intérieur : Noyon, Beauvais Saint-Jacques, Tracy-le-Mont.[6] Fondé en 1888, il faudra attendre 1905 pour que Noyon bénéficie de 5 visites au moins par semaine ( en 1903 et 1904, le médecin venait tous les deux jours réalisant un total de 161 visites la première année et 154 la seconde).[7] Pour la même époque les rapports moraux de Saint-Jacques nous apprennent que le praticien" venait le plus souvent possible et sur demande ». [8] En général, selon les établissements et les dates, la fréquence des visites allait au pire de " le plus souvent possible, chaque fois qu' il est nécessaire " au mieux tous les deux jours. Mais le plus souvent, ii s’agissait d'une fois par semaine.

II est à noter qu'à Senlis, le règlement de 1868 semblait peu exigeant ; ii indiquait : « Les médecins font, aussi souvent que possible et chacun à leur tour, la visite de la crèche… »[9] Celui de Compiègne paraît aussi flou quant à la fréquence des inspections: « Le médecin de service à l'hospice fera sa visite à la crèche... » [10]

Cependant, on peut se demander s'il n'était pas excessif de demander une visite quotidienne. En effet, un certificat médical était réclamé lors de !'admission ou après une longue absence. De plus, la directrice pouvait refuser d'accueillir un enfant juge malade. Exerçant le plus souvent depuis longtemps, elle avait sans doute suffisamment d'expérience pour diagnostiquer certaines pathologies voire soigner certains petits maux. La visite régulière des dames patronnesses n’était-elle pas une garantie de la bonne tenue des crèches ? II est vrai qu'a l'époque, la mortalité infantile était élevée, la morbidité considérable, il fallait donc prendre des mesures.

Statuts des médecins des crèches.

Les praticiens des crèches n'avaient pas tous les mêmes statuts.

Certains exerçaient à titre libéral en ville. Cette situation était le plus sou­vent rencontrée pour les crèches d'entreprises ou les institutions privées.

- Dr Avenel, à Trie le Chateau [11]

- Dr Van des Hagen (domicilie rue de la gare) à   Coye

- Dr Rochefort, à Tracy le Mont. En 1897, le manufacturier Charles Loonen précisait que ce dernier « était attaché à son usine ».[12]

Quand les crèches étaient gérées par le Bureau de Bienfaisance, cette institution faisait appel à ses propres praticiens, qui prenaient également en charge l'hôpital général à Senlis, l'hospice à Beauvais. Le Dr, Leblond qui s'occupa de Saint-Quentin en 1893 et de Saint-Jean en 1896-1897 continua, même après son départ de ces établissements, a s'intéresser aux petits Beauvaisiens : en 1902, il créait une goutte de lait. [13]

Certaines institutions employaient les médecins, qui siégeaient dans leur comité de patronage. A Saint-Jacques de Beauvais, les docteurs Daniel, Colson, Evrard, Bourgeois, Denoix constituaient la commission du service médical et devaient assurer la visite quotidienne de la crèche[14]. L'institution de Compiègne était inspectée par le médecin de service de l’hospice, mais également par le Dr Wurtz, membre de la commission de la crèche. II semble que le premier cité n'ait pas toujours rempli correctement son rôle. En 1894, il était rappelé à l'ordre par les administrateurs en ces termes : « La commission invite le médecin à faire sa visite à la crèche au moins une fois par mois et à signaler tout ce qui peut intéresser la santé des enfants fréquentant la maison. » [15]

Puis en juin 1896, se produisait un incident plus grave. Face à une épidémie de diphtérie, un administrateur, M. Barbillon, dut prendre !'initiative de faire fermer et désinfecter l’établissement. Le 6 juillet 1896, le comité d'administration de la crèche «  interpellait les médecins de service à l'hôpital et à l'hospice sur le point de savoir si conformément au règlement de la crèche, service que par la suite le bureau serait toujours prêt à leur laisser, mais au cas où ils s'en désintéresseraient dans l'avenir comme dans le passé, le bureau serait d'autant mieux autorisé à confier la responsabilité exclusive et personnelle de la crèche au Dr Wurtz, qui a pourvu à ses nécessités hygiéniques depuis son ouverture (1886) et qui offre encore de continuer ses soins assidus et gratuits à l'institution. » [16] Le 3 août 1896, le Dr Wurtz était confirmédans ses fonctions de médecin des enfants de la crèche.[17] II exercera au moins jusqu'en 1906.[18]

 Le travail des médecins des crèches.

Les vaccinations.

Lors de !'admission d'un enfant dans une crèche, étaient réclamés un certificat médical et un certificat de vaccine.[19] Quand l’inoculation n'avait pu être réalisée avant, le praticien se chargeait de la vaccination du petit nouveau. Ainsi, les médecins du Bureau de Bienfaisance de Beauvais vaccinèrent de nombreux enfants dans les crèches Saint-Quentin et Saint-Jean, de 1884 à 1895. A partir de 1896, les rapports moraux nous apprennent que plus aucune vaccination ne sera réalisée dans ces institutions, alors que le taux de fréquentation se maintenait au même niveau.

 

II faut préciser que la vaccination antivariolique ne devint obligatoire en France qu'en 1902. La loi du 15 février 1902 précisée par le décret du 17 juillet 1903 et l'arrêté du 28 mars 1904 prévoyait une vaccination au cours de la première, de la onzième et de la vingt et unième année. Avant cette loi générale, des lois particulières, des circulaires contraignaient à vacciner les enfants assistés, les enfants places en nourrice, les élèves des lycées, de l'université, de l'école élémentaire puis sous Jules Ferry tout élève (règlement de 1882) et enfin tout élève de maternelle (Berthelot 1887).[20]Nous rappellerons que le personnel des crèches devait également être vacciné.

Les soins donnés aux enfants. Maladies et mortalité dans les crèches.

Les crèches ne pouvaient recevoir que des nourrissons sains et bien portants. Au moindre signe de maladie, l'enfant était isolé puis remis à sa famille. II n'était à nouveau admis qu'après guérison complète et présentation d'un certificat médical. Cependant, certaines pathologies bénignes qui n'imposaient pas d'exclusion pouvaient être traitées sur place. Ainsi, en 1891 et 1893, le médecin de Noyon guérissait, en quelques jours, plusieurs cas d'impétigos grâce à « des soins hygiéniques et des applications de poudres antiseptiques ». [21] Au contraire, d'autres années (1889,1904), iI renvoyait les enfants atteints de cette même affection.[22] En 1901 et 1902, le Dr Wurtz faisait face à plusieurs cas de gourmes « Dès qu'un enfant présente une éruption impétigineuse, il est soigné, la crèche fournissant des médicaments tels que l’ huile de foie de morue, sirop antiscorbutique, pommade à l'oxyde de zinc… »  [23] Nous savons que les établissements disposaient d'une petite pharmacie. Le comité d'administration de Compiègne autorisait, en 1901, l'achat d'un litre de sirop vitaminique et d'un litre de la célèbre huile de foie de morue. [24] Parfois, les soins prodigues étaient plus importants. Ainsi, en 1890, un responsable de Noyon écrivait dans son bilan annuel adresse au préfet : « L'utilité de notre œuvre se montre donc chaque jour davantage, il nous est ainsi souvent arrivé d'accepter des enfants à peine viables ; grâce au régime de la crèche, à Ia nourriture bien calculée, que nous leur donnons, aux soins intelligents du médecin et de notre directrice, nous sommes parvenus à arracher ces pauvres enfants à une mort plus que certaine et leur rendre vigueur et force. »  [25]

Régulièrement, des épidémies (rougeole, varicelle, coqueluche, grippe ...) obligeaient les médecins à décider la fermeture et la désinfection de leur établissement. L'été, ils devaient faire face aux nombreuses diarrhées, gastroentérites et cholérines. Dans le Bulletin de la Société des Crèches de 1905, le Dr Kraft évoquait la forte mortalité des jeunes enfants et les ravages des maladies intestinales : « Un enfant qui naît à moins de chances de vivre une semaine qu'un vieillard de 90 ans et il est plus probable qu’iI mourra dans l'année qu'un octogénaire. En France, de 1890 à 1900, il est mort 145 000 enfants de 0 a 1 an ; dans la population urbaine française sur 1 000 décès de      tout âge, ii y a en moyenne 167 soit le sixième, qui concerne des enfants de 0 a 1 an. (...) La gastroentérite est Ia maladie de l'estomac et de l'intestin, qui entraîne vomissements et évacuations liquides. On doit toujours et tout de suite la soigner, si l’on veut éviter qu'elle se transforme, s'aggrave et devienne la cholérine (...). Dans la cholérine, l'enfant a des petites selles aqueuses. Il gicle de l'eau claire, son teint se plombe, ses yeux s'enfoncent, il cesse de gémir et, en 4 ou 5 heures, il s'éteint doucement ou avec quelques convulsions. » [

La mortalité parmi les pensionnaires des crèches de l'Oise était élevée. L'étude des rapports moraux de la crèche beauvaisienne Saint-Jean nous a permis de calculer un taux moyen de mortalité de 12,6 % chez les enfants reçus dans cette institution entre 1884 et 1895.[27]Quelques années auparavant, les responsables de Saint-Jacques situé dans la même ville, signalaient que chez eux «la mortalité n'a pas atteint 4%. » [28] Toujours les praticiens précisaient que ces décès touchaient des enfants nouvellement admis ou fréquentant irrégulièrement l'établissement et qu'ils s'étaient produits au domicile des parents. [29]

Au début du siècle, les responsables de Noyon étudiaient deux pro­jets pour améliorer le suivi médical de leurs petits pensionnaires. En 1905, le médecin envisageait « de créer pour chaque enfant un carnet sanitaire ». [30] En 1906, il proposait en accord avec la directrice, lacréation de quelques berceaux à l'hôpital, afin d'y soigner les enfants malades, qui seraient certainement mieux soignés que dans leur famille • et, "pour installer ce nouveau service pendant les épidémies ", [31] ils réclamaient une augmentation de leurs subventions. En effet, les ouvrières pauvres ne pouvaient rester chez elles pour garder leurs enfants souffrants, refusés par la crèche de peur de la contagion. Ainsi, cette année-là, un nourrisson fut retrouvé mort dans son berceau, au retour de sa mère.

Rien ne nous permet de dire si ces deux idées furent réalisées. Mais, en les proposant, les Noyonnais innovaient. En effet, la constitution d'un carnet d'élevage délivré aux familles et indiquant état civil, mode d'e­ levage, résultats des pesées, visites médicales et vaccinations ne sera proposée par Paul Strauss qu'en 1918 et cela dans le cadre d'une révision de la loi Roussel. Avant cette date, seuls les enfants assistés ou places en nourrice possédaient un livret. De même, en 1913, commençaient à être remis aux jeunes mariés des livrets de famille qui contenaient des conseils de puériculture et des extraits de la loi Roussel. Finalement, après de nombreuses discussions au parlement, le décret-loi, portant sur la modification des textes Roussel ne sera entériné que le 30 octobre 1935. On ne parlait plus alors de carnet d'élevage, mais de carnet de croissance. Un arrête spécial (2 mai 1939) institua officiellement ces carnets.

L'histoire médicale de deux crèches de l'Oise .

- Compiègne

Le tableau ci-dessous a été dressé grâce à l'étude :

  • des rapports moraux de 1887 à 1906,
  • du registre de délibérations du C.A de la crèche de Compiègne du 30 septembre 1886 au 10 septembre 1906.
  • des comptes rendus de l'assemblée générale de la société de la crèche municipale de Compiègne de 1907 à 1914. L'année de la création en 1886 n'a pas été retenue car incomplète.

 

 

 

En 1894, les Noyonnais déplorèrent trois décès parmi leurs pensionnaires. En fait il s’agissait de trois enfants de la même famille, dont des jumeaux. Ils expliquaient cette mortalité par leur manque d’assiduité à la crèche : « Les trois décès qui se sont produits tiennent à ce que les enfants fréquentaient la crèche irrégulièrement, je suis persuadé que, malgré leur faible poids dépendant de la misère de la mère, nous aurions pu les sauver si nous les avions eu tous les jours. Je sais qu’ils manquaient du nécessaire chez eux par suite de l’inconduite du père qui buvait non seulement son salaire mais aussi les petites sommes remises à sa femme. » [32]Cette histoire semble avoir particulièrement ému les responsables de crèche, qui proposèrent une solution pour qu’une telle tragédie ne se reproduise pas. Leur budget ne leur permettant pas de recevoir gratuitement des enfants, ils eurent l’idée de mettre à la disposition des personnes charitables des bons de crèches, qui seraient aux mères pauvres.

* Interprétation des tableaux.

De nombreuses lacunes rendent difficile et aléatoire l’interprétation de ces tableaux. Mais nous pouvons cependant tenter de calculer les taux de mortalité de ces crèches et les étiologies des décès. Une donnée essentielle nous manque : l’âge des enfants au moment de leur mort.

 

Taux de mortalité :

En excluant toutes les années où les données sont inexistantes ou incomplètes, nous avons pour Compiègne, un taux global de mortalité de 2,95 % et pour Noyon de 4,15 %. Il faut signaler ici que les informations concernant Sainte-Elisabeth vont jusqu’en 1913 alors que pour Noyon s’arrêtent en 1906.

Plus importante à noter est la grande variabilité de ce chiffre selon les années. Si, par dix fois les Compiégnois ont eu la joie de ne perdre aucun enfant, leur taux de mortalité était, par trois fois, supérieur à 10 %.

 

       1891 11,53 %

       1896 11,53 %

       1906 11,66 %

 

A Noyon, les taux les plus élevés se situaient en :  1889 : 7,5 %

                                                                          1901 : 7,57 %

                                                                          1906 : 10 %

Cette année 1906 semble particulièrement meurtrière dans les deux établissements, une épidémie de rougeole ayant fait de nombreuses victimes. Certes, en 1995, ces chiffres nous paraissent élevés. Mais les crèches n’ont-elles pas sauvé de nombreux enfants ?

Étiologie des décès.

A Compiègne, sur 35 décès, dont les étiologies sont indiquées, 23 sont dus à la rougeole et à ses complications, la deuxième cause de mortalité étant les pathologies digestives : diarrhées, cholérines, gastroentérites (au nombre de 7).

A Noyon, pour 35 décès diagnostiqués, il y en a 14 à dus à la rougeole, 14 autres sont expliqués par athrepsie (7) ou faiblesse congénitale.

Surveillance de l’alimentation des enfants.

Le médecin de la crèche dirigeait l’alimentation des pensionnaires. Il indiquait les rations à donner et précisait quand et comment réaliser le sevrage des plus petits. A Compiègne, le Dr Wurtz organisait la stérilisation du lait.[33] En 1899, il innovait en inventant « un breuvage sain et nourrissant »,[34]destiné aux enfants de 18 mois. Il s’agissait d’une décoction de céréales (blé, avoine, seigle, riz) qui était mélangée. Cette boisson était préparée par la sœur surveillante, « à raison d’un litre de tisane dans deux litres de lait, soit deux cuillères du mélange des grains pour quatre litres d’eau à faire bouillir. » [35]

Surveillance de l’hygiène.

Le praticien de la crèche était responsable de l’hygiène et de la bonne tenue de l’établissement. Nous avons déjà vu qu’il pouvait décider la fermeture et la désinfection de l’institution en cas d’épidémie ou de risque de contagion. Mais, il lui était également possible de proposer d’autres mesures préventives.

En 1905, à Senlis, le Dr Gauthier demandait que la pièce servant à la fois de dortoir, de salle à manger et de salle de jeux fût « peinte complètement à l’huile pour faciliter le nettoyage et entourée de hauts boiseries en chênes susceptibles de lavages antiseptiques fréquents » Il réclamait aussi la suppression « de toutes les fleurs artificielles et du linge, qui tapissent les murs et constituent certainement autant de nids à microbes. »[36]

En 1896 et 1897, le Dr Lamotte, médecin de la crèche de Saint-Quentin de Beauvais, constatait que presque tous les pensionnaires étaient atteints de poux, d’impétigo du cuir chevelu et de la face ; il réclamait alors le port des cheveux ras.[37] Cet avis ne semble pas avoir été suivi. Cela a-t-il déplu aux parents ? De toute façon, tous les règlements exigeaient la propreté des enfants à leur arrivée le matin. Or, nous savons que cela n’était pas toujours le cas. A Tracy-le-Mont, il était précisé, dans les conditions d’admission, que l’enfant ne devait pas avoir sur la tête « l’espèce de crasse appelée vulgairement le chapeau ». [38]Le Dr Henri Napias expliquait que dans l’imaginaire populaire « la saleté de la tête était préservatrice des maux d’yeux ». [39]

Les médecins devaient donc faire face au laisser-aller des parents, parfois à la négligence des berceuses, sans parler du manque de ressources des établissements qui ne permettait pas toujours de réaliser les améliorations indispensables. Les rapports d’inspection, que nous étudierons ultérieurement, nous montrent bien que l’hygiène était parfois oubliée dans les crèches de l’Oise de l’époque.

La crèche de Compiègne : son service de consultation de nourrissons et sa goutte de lait.

Le 22 septembre 1806, le conseil municipal de Compiègne décidait l’adjonction à la crèche d’une consultation de nourrissons et d’une goutte de lait. Le Dr Thery était le responsable de ces services. Il était aidé par le Dr Caron, qui sera remplacé par le Dr Pfeifer, en 1913. Il était aidé par la surveillante de la crèche Sainte-Elisabeth. Cette religieuse recevait les familles et examinait brièvement les enfants à leur arrivée, afin d’éviter tout contact entre les malades et les biens portant. Elle s’occupait également de la distribution du lait, qui se faisait tous les jours de 10 heures à 11 heures et demie. Le prix demandé était fonction de la situation financière des parents. La consultation de nourrissons avait lieu une fois par semaine, à partir de 10 heures d’abord le mercredi, puis le vendredi dès 1908. En 1909, le Dr Thery précisait : « Nous avons dès le début 1908 fixé pour chaque enfant le nombre obligatoire de consultations tel qu’il est prescrit par la circulaire administrative de février 1907. » [40] Il semblerait que les parents suivaient assez volontiers ces directives. En effet, il déclarait l’année suivante, « les présences obligatoires telles qu’elles sont exigées par la circulaire de 1907, sont fixées aux familles dès l’admission à la consultation. Nous devons reconnaître que rarement nous avons dû faire appel au règlement pour faire observer cette obligation. » [41]

Lors de chaque assemblée générale de la société des crèches, le Dr Thery signalait et se félicitait de l’absence de gastroentérite chez les enfants inscrits à la consultation- goutte de lait. En 1909, il affirmait : « l’absence de décès par gastroentérite est dû au bon fonctionnement de la goutte de lait et aux soins méticuleux que la sœur Elisabeth met à surveiller la nourriture des nourrissons » [42]Puis en 1910, il expliquait : « l’absence de gastroentérite démontre que la stérilisation du lait est parfaitement menée ». [43] Pour lui, la goutte de lait constituait «  un complément indispensable à la consultation de nourrissons, » [44] dont « le principal objectif est de s’opposer à l’éclosion de cette affection meurtrière du premier âge. »[45]

 

 

 

Lors de l'assemblée générale de 1911, le Dr Thery signalait !'augmentation de près de 2 000 litres de lait distribues entre 1909 et 1910 et déclarait « Cette augmentation grève sérieusement notre budget ; est largement compensée par la disparition ou du moins la diminution très sensible, observée en ville, de gastroentérite. Elle nous montre, en outre,que la population ouvrière(...) commence à comprendre les bienfaits d'une alimentation soigneusement préparée. » Le même jour, ii demandait au comité d'administration l'aménagement dans le sous-sol de la crèche d'un endroit frais, pour entreposer les paniers contenant les flacons de lait stérilisé.[46]

 

 


[1] A notre grand regret nos recherches ne nous ont pas permis de retrouver un de ces registres dont l'étude aurait pu se révéler riche d'enseignements.

[2] Bulletin de la Société des Crèches n°122 avril 1906 page 345 A.M de Compiègne

[3] Ibid.,   n° 86 avril1897 p.178-179

[4] Ibid.

[5] L'hygiène des crèches Dr Henri Napias extrait de la revue d'hygiène 1897 page 22 A.M ,de Senlis 9Q5.

[6] Noyon article 12 (1888) St - Jacques article 6 (1846) Tracy le Mont article 7

[7] Rapports moraux Noyon 1905,1904,1903 A.D de l'Oise 3 X ....

[8] Rapports moraux St - Jacques 1903,1904,1906 A.D de l'Oise 3X...

[9] Article 16 règlement intérieur de Senlis 1898 A.M de Senlis 9 Q 5

[10] Article 16 règlement intérieur de Compiègne 12 juillet 1886 A.D de l'Oise 3X ..

[11] Règlement intérieur de Trie le Chateau 31 ao0t 1882 A.D de l'Oise 3 X ......

[12] Lettre au sous-préfet 16 juin 1897 A.D de l'Oise 3 X .....

[13] Dr Leraître Les crèches et les gouttes de lait a Beauvais 1922 M.S.A.O Bibliothèque de Beauvais.

[14] Règlement intérieur article 5, 7 novembre 1846 A.M Senlis 9 Q 5.

[15] Registre des délibérations de la Commission administrative de la crèche séance du 1er octobre 1894 A.M de Compiègne

[16] Registre des délibérations de la Commission administrative de la crèche du 30septembre 1896 au 10 septembre 1906. A.M de Compiègne.

[17] Ibid.

[18] Ibid.

[19] Législation de 1862 articles 5 et 1897 article 8, op.cit.

[20] D’après C. Rollet. Op.cit., p. 204-205

[21] Rapports moraux de Noyon 1891,1893 A.D de l'Oise 3X ...

[22] Ibid., 1889,1904

[23] Rapports moraux de Compiègne 1901 1902 A.D de l'Oise 3X...

[24] Registre des délibérations de C.A de la crèche de Compiègne séance du 8 janvier 1901 et du 6 mars 1905. A.M de Compiègne

[25] Rapport moral de Noyon 1890 A.D de l'Oise 3X...

[26] Extrait du journal du Jura à Bienne (2 octobre 1904) reproduit dans le Bulletin de la Société des Crèches n°118 avril 1905 A.M de Compiègne

[27] Taux de mortalité de l'autre crèche du Bureau de Bienfaisance beauvaisien (St Quentin) de1884 à 1895 : 12,09 % Rapports moraux de St- Jean et St-Quentin de 1884 a 1895 A.D de l'Oise 3X ....

[28] Rapports moraux de St - Jacques 1874 et 1878, op.cit.

[29] Voir plus loin les calculs des taux de mortalité des crèches de Compiègne et de Noyon et L’histoire médicale de deux crèches de l'Oise.

[30] Rapport moral de Noyon 1905, op.cit.

[31] Ibid., 1906.

[32] Rapport moral de la crèche de Noyon, 1894. 1.D. de l’Oise 3X…

[33] Registre des délibérations de la C.A de la crèche de Compiègne, 4 janvier 1897. A.M Compiègne.

[34] Ibid, 4 septembre 1899.

[35] Ibid 6 novembre 1899.

[36] Rapport moral de la crèche de Senlis 1905. A.D de l’Oise.

[37] Rapports moraux de la crèche de Saint-Quentin Beauvais 1896-1897 A.D Oise.

[38] Règlement intérieur de la crèche de Tracy-le-Mont 1897 A.D. Oise

[39] L’hygiène des crèches. Extrait de la revue d’Hygiène, 1891 Op.cit.

[40] Compte rendu de l’assemblée générale de la Société de la crèche municipale de Compiègne, 23 juillet 1909. A.M de Compiègne.

[41] Ibid., 18 juin 1810.

[42] Ibid., 23 juillet 1909.

[43] Ibid., 18 juin 1810.

[44] Ibid., 9 août 1912.

[45] Ibid., 6 octobre 1911.

[46] Compte rendu de l'assemblée générale de la Société de la crèche municipale de Compiègne 6 octobre 1911. A.M .de Compiègne.

 

 

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