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Contributions à l'histoire de l'enfance aux XVIIIe et XIXe siècle
22 février 2023

Les marques : un espoir de retrouvailles.

Les historiens qui se sont penchés sur le sort des enfants abandonnés ont généralement étudié les « remarques [qui] sont des signes de reconnaissance déposés par la mère sur le corps de l’enfant au moment de l’abandon … ils sont censés constitués des indices dans l’espoir d’une éventuelle reconnaissance de l’enfant »[1]. Dans son article concernant Caen, François Langlois parle de « marques » ou de « signes recognitifs »[2]. Il s’agissait d’objets glissés dans les langes, portés par l’enfant ou déposés à côté de lui dans le tour. Si le plus souvent, les remarques étaient faites en tissu : rubans, lacets, morceaux d’indienne, elles pouvaient être très diverses : médailles, bijoux, cartes, sel… Jean-Pierre Bardet parle d’« objets les plus hétéroclites : une étoile, un plumet, un petit crucifix, une perle blanche, un as de cœur, un cierge, une oreille de cochon, une médaille[3] » Elles varient aussi selon les lieux et l’époque de l’abandon. A Rouen, de nombreuses cartes à jouer, éventuellement coupées en deux, furent retrouvées auprès des enfants exposés. En effet, cette ville était un «   centre important pour l’imagerie populaire et pour les cartes à jouer »   [4]. Jean-Jacques Rousseau utilisa ce type de remarque lors de l’abandon de ses enfants à Paris. Pour les Côtes-du-Nord, Isabelle Le Boulanger explique : « La plupart sont des objets religieux mélange de superstition autant que symboles religieux. Le plus répandu est la médaille … » et situe à partir de 1848 « l’engouement populaire pour les médailles »[5].Tous ces objets étaient notifiés, souvent décrits précisément dans les procès-verbaux d’exposition et conservés. Certains sont encore visibles dans les services d’archives, malheureusement pour Orléans, seules subsistent celles de la période an 3 - an 13.

Les remarques des enfants abandonnés à l’hospice d’Orléans : une pratique peu fréquente.

Comme les petits Normands ou Bretons, des enfants furent abandonnés à l’hospice d’Orléans avec des remarques laissées par leurs parents dans l’espoir de retrouvailles. Selon nos comptages, sur 13 312 procès-verbaux d’exposition étudiés pour la période entre l’an 3 et 1856, 2 546 signalent ce fait soit 19,1%. Les graphiques ci-dessous montrent pour le premier l’évolution au cours de cette période et pour le second une répartition des principaux types de marques entre an 3 et 1820. La courbe des fréquences connaît de grandes variations au cours de la période d’étude. De 1806 et 1829 entre 35 et 25 % des enfants sont exposés avec une marque. Cette fréquence oscille ensuite entre 20 et 10 % voire moins[6] entre 1830 et 1856. Les raisons de ces fluctuations nous échappent.

 

Nous avons regroupé les marques en 5 catégories : rubans, tissus, lettres brodées, bijoux et autres. Cette dernière catégorie concerne principalement tout un ensemble d’objets : des cartes à jouer, d’autres plus insolites, marques sur le corps, dessins …

 

 

On note donc une nette prédominance des remarques textiles : rubans et tissus, mais aussi la présence d’objets assez hétéroclites. Et pour quelques-uns, on peut parfois s’interroger sur l’intention originelle des parents. Ainsi, quand ils placèrent des pattes de taupe auprès de leurs enfants, souhaitaient-ils les protéger de certaines douleurs selon les croyances de l’époque ou pensaient-ils les utiliser ultérieurement comme éléments identificatoires ?

Léon Eugène Bali fut exposé le 8 octobre 1827 avec « dans son cou un petit sachet de soie rose dans lequel est des pattes de taupe attaché avec un cordon de soie couleur passée et un collier de perles bleues et brunes très grosses et plusieurs petites jaunes et brunes entre elles, enfilées dans un ruban de soie rose long d’environ une demi- aune »[7] . On peut imaginer que ses parents laissèrent des pattes de taupe pour leur supposée vertu prophylactique, mais ajoutèrent un collier bien distinctif comme remarque. Mêmes questionnements pour une teterolle en étain retrouvée auprès d’un enfant en 1855 ? D’autre part, certains objets religieux avaient peut-être pour les abandonneurs plusieurs finalités dont être un signe d’identification. Cependant, on peut penser que tout objet permettant de singulariser l’enfant pouvait être utilisé ultérieurement comme moyen d’identification.

Dans la plupart des situations, il n’y a aucun doute du fait de la nature même de l’objet, par exemple un ruban noué au bras, un bijou, une carte coupée en deux ou du fait du billet laissé en plus par les parents. En effet, certains abandonneurs prirent la précaution de signaler dans un billet la présence de remarques dont ils demandaient le maintien. Anxieux, craignaient-ils des difficultés au moment de la reprise de l’enfant ? Savaient-ils que tous les signes recognitifs étaient consignés dans des procès-verbaux ?

Signalement des remarques dans les billets.  

Les parents de Léon Eugène prirent la peine de rappeler la présence de ces remarques dans le billet : « les remarque D’un cordon roze et De patte de tope ».[8]D’autres abandonneurs firent de même ; de l’an 3 à 1820, dans 7,1% des cas (166 sur 2 331), les marques étaient signalées dans les billets.

Ainsi, en 1833, Constance Théodorine Monet fut retrouvée avec « un petite boete ronde [rouge] d’ebene renfermant une moitie de boucle d’oreille en or » et le billet précisait : «une petite boite rouge dans lequel est enfermé la moitie d’une boucle d’oreille unie que l’on a cassé en deux dont on conserve Soigneusement la moitie malgré sa faible valeur  elle en a Beaucoup aux yeux d’une mère infortuné puis qu’on lui assure que c’est le vraie moyen de retrouver son enfant que des causes majeurs la force d’abandonner pour l’instant . Soyez bien persuadé que dans quatre ans au plus il retrouvera Sa mère ».[9]

 

Les différents types de remarques

Les remarques en tissu : rubans, morceaux d’étoffe, layette.

Les rubans étaient prédominants : 36% des marques. A l’époque, ils étaient très utilisés, fréquents dans les garde-robes, vendus par des colporteurs notamment à la campagne et on peut imaginer qu’une mère, même indigente pouvait en trouver un assez aisément au moment de l’abandon. De plus, il pouvait facilement être coupé en deux et être laissé auprès de l’enfant, quel que soit son âge. Pour Caen, François Langlois a noté qu’ils étaient noués autour du bonnet ou du bras gauche.[10] Pour Orléans, un rapide sondage sur quelques années ne semble pas mettre en évidence une prédominance particulière dans le choix du bras pour les attacher et ils pouvaient être retrouvés aussi au pied ou au tour du corps.    

 

Les morceaux d’étoffe et notamment les indiennes étaient souvent présents auprès des enfants filles ou garçons. Comme les rubans, ils étaient faciles à trouver et à utiliser.

 

Remarque indienne description

Source cote et date

« ruban d’indienne fond bleu et fleurs bleux »

19/12/1811

« petit morceau d’indienne bleue à fleur rouge et verte »

10/08/1817

« raies rouges, bleues, vertes et jaunes »

14/07/1817

« indienne rose à petites mouches »

19 /07/1817

 

Plus rarement, d’autres objets textiles furent laissés auprès des enfants : des sachets de serge, de coton, une bourse en perles (comme il n’y a rien de préciser dans les procès- verbaux, on penser qu’ils étaient vides) et des cocardes. Ainsi, la nouveau-née, Caroline Ausset portait en 1813 « une cocarde de ruban rose, bleu, blanc et vert ».[11] En 1820, un enfant fut retrouvé avec une fleur de soie au bras gauche.   

Enfin, les vêtements portés ou déposés dans un trousseau pouvaient permettre aussi la reconnaissance de l’abandonné. En effet, comme nous l’avons vu dans le chapitre concernant les vêtures, des parents prirent la précaution de broder des lettres sur les effets de leurs enfants ou de décrire la layette dans un billet sans doute pour éviter la vente, les échanges d’habits, mais aussi pour faciliter l’identification.

Les objets.

Des bijoux et des montres.

Sur la période s’étendant de l’an 3 à 1856, des enfants, garçons et filles, furent exposés avec des bijoux. Il s’agissait le plus souvent de colliers qui à eux seuls représentaient 10,7 % des marques. Très bien décrits, les couleurs les plus souvent notées sont le jaune et le bleu. Ainsi, en 1824, Rosalie Françoise Rigor portait « un collier de perles bleues et blanches enfilés par un petit ruban blanc » [12]

 

A.M.O 3 Q 5 Marque originale de Magloire Désiré Alexis Evariste. 2 brumaire an 11.« au bras gauche un collier de perles vertes attaché avec un ruban vert ».

A.M.O 3 Q 5 Marque originale de Aimable Sébastien Didier 1er prairial an 11 « collier de perles blanches et jaunes »

Certains abandonnés portaient des boucles d’oreille. Leur localisation était indiquée pour 8 enfants. Pour 4 d’entre eux, elles avaient été mises à l’oreille droite, pour 2 autres à gauche.  En 1824, Hélène Orinti « avait a un doigt de la main gauche une petite bague de perles rouge et bleue à deux rouges ».[13]

Des enfants furent déposés également avec des médailles profanes, très précisément décrites pour certaines. En 1817, Patrice Magdin, fille âgée d’environ 3 jours : « un colier de perles rouges et bleues enchaîné dans du cuivre et boucle pareille, un petit médaillon en or attaché à la chaine avec du fil rose, le dessus duquel médaillon est bleu et représente un homme assis dans un fauteuil à l’ombre d’un arbre »[14].

Pour les enfants de Rouen, l’historienne précise que les bijoux étaient « souvent usés »[15] . Pour ceux d’Orléans, nous n’avons pas retrouvé d’indication concernant leur qualité, leur degré d’ancienneté contrairement aux vêtures qui, comme nous l’avons étudié dans le chapitre sur les vêtements, étaient jugées et qualifiées dans les procès-verbaux de : bonnes, vieilles …

Nous disposons toutefois de quelques informations pour se faire une idée de leur état. Ainsi, le 27 fructidor an 13, Adrien Charles Mouille portait : « des boucles d’oreille en or de forme plate dont une cassée dans la charnière dont le morceau était de manque »[16]. De même, en 1851, Elisabeth Suin, âgée d’environ 6 mois, fut exposée avec : « pour remarque, une portion de boucle d’oreille, trouvée dans un morceau de papier »[17]. Enfin, en 1842, un enfant fut abandonné avec une médaille à l’effigie de Louis XIV et de la reine Anne : le roi enfant avec sa mère pendant la Régence ?[18] Si on estime que les médailles représentant les souverains n’étaient émises que durant leurs règnes, on peut penser effectivement que ce bijou était ancien et vraisemblablement plus ou moins abîmé.

                            « Avers de la médaille Anne d'Autriche, naissance de Louis XIV

                            Copie d'après / graveur en médailles  Jean VARIN(1607-1672) »[19]

D’autre part, nous n’avons aucune indication sur leur valeur marchande. Dans les procès-verbaux d’exposition, était cependant indiqué le métal : argent, or et moins fréquent cuivre ; plus rarement, des bijoux, colliers ou boucles d’oreille étaient en os, en graines ou en bois. Quant aux bracelets, ils avaient sans doute moins de valeur, car confectionnés dans des matériaux moins onéreux : parchemin, textile (indienne, taffetas, coton, toile), maroquin, caoutchouc, cheveux. Peut-être fabriqués par les familles ? Certains étaient assez simples ; d’autres plus élaborés. Ainsi, en 1811, deux filles furent exposées : Epiphanie avec un « bracelet de taffetas cramoisi marqué A G en bleu » et Françoise Marthe avec un : « bracelet de parchemin doublé de toile blanche »[20] On peut penser que ces bijoux appartenaient aux mères voire étaient des bijoux de famille et qu’elles les mirent aux enfants au moment de la séparation dans un but d’identification ultérieure. Mais, peut-être souhaitaient-elles aussi leur laisser un objet ayant une valeur marchande, mais aussi sentimentale ? Espéraient-elles ainsi de façon symbolique l’inscrire dans la lignée familiale ?

Entre 1806 et 1850, 4 enfants furent retrouvés avec des objets contenant des cheveux formant des bracelets dans 2 cas ou déposés dans un reliquaire et un sac pour les 2 autres. On peut penser que les mères coupèrent une mèche de leurs cheveux au moment de l’abandon afin de laisser à leurs enfants une trace d’elles même. En effet, en 1841, le billet laissé auprès du nouveau-né, l’indiquait clairement : « Josephe Alphonse Enfant naturelle de Josephine revon native de Toulouse Haute Garonne née à 8 heures du soir le 6 avril 1841 expeausée à 10 heures du soir pour remarque un petit saque en peaux contenant les cheveux de sa mère »[21].

Autre objet familial peut-être : en 1843, un enfant était retrouvé avec un petit portrait. Malheureusement, le tableau n’est pas décrit. Qui était représenté ? La mère elle-même ? Un membre de la famille ? De même, à qui appartenaient les montres laissées en 1813 auprès de 2 petites filles, Anne Ardonne : « petite montre de cuivre attaché autour du cou » et La Pitié Scolastique : « une petite montre en cuivre à étoiles jaunes attachée avec un ruban blanc ».[22]  

Des marques à caractère religieux.

Des médailles : prédominance de celle de la Vierge.

Au moment de l’abandon, de nombreux enfants portaient des médailles, certaines profanes, nous l’avons déjà vu, mais la plupart religieuses : effigies de la vierge, du christ, de la Sainte Famille, de saints ou de prélats. Les médailles de la Vierge étaient les plus nombreuses, Marie et le Christ étaient souvent représentés ensemble. Ainsi, en 1847, Célestine Huret fut exposée avec une médaille à l’effigie de la Vierge « portant l’inscription Marie a été conçue sans pêché et gravée CYH ».[23]

Le XIXe fut souvent qualifié de siècle de Marie dont le culte fit l’objet d’une grande ferveur : fêtes, diffusion du rosaire, nombreuses apparitions 1830,1846 et 1858 (Lourdes), dogme de l’Immaculée Conception. La médaille miraculeuse appelée ainsi du fait des guérisons pendant l’épidémie de choléra fut frappée à plusieurs millions d’exemplaires à partir de 1832. Pour Orléans, des médailles de la Vierge furent retrouvées auprès des enfants à partir de 1842, nous en dénombrons 108. Deux objets évoquaient aussi l’apparition mariale de La Salette de 1846 :  Julie Ocave était abandonnée en 1856 avec : « un reliquaire en or renfermant l’apparition de la Vierge à la Salette »[24].

 

 

                 La médaille miraculeuse, dessinée et fabriquée par Adrien Vachette (1753-1839). [25]

 

En 1851, Adolphe Cornu était déposé avec : « une médaille à l’effigie de la Sainte Famille avec des caractères chinois ».[26] La présence de ces sinogrammes faisait peut-être référence à une mission d’évangélisation. Auparavant, en 1829, le nouveau-né, Alfred Hambré était abandonné avec « dans son col, un collier de perles bleues enchaînées de laiton blanc, au milieu deux perles blanches et une médaille en argent sur laquelle est gravé ces mots : souvenir de la mission de 1824 » [27]. De plus, son vieux fichu était marqué des lettres V.L. De nombreux saints étaient également représentés : au nombre de 18 de Saint Antoine de Padoue à Saint Stanislas de Hoska[28], un seul saint par médaille ou parfois plusieurs sur l’avers et le revers.

En 1836, Ernestine, Angelina Hallet, âgée d’environ 9 jours, était trouvée avec « à son col était suspendu par une ganse de soie rose et blanche longue d’une demi aune une medaille en cuivre jaune représentant d’un côté Saint François et Saint Dominique et de l’autre Sainte Claire et Sainte Catherine de Sienne » .[29] Dans le billet placé sur son estomac, sa mère notifiait  la présence de cet objet religieux considéré sans doute comme une remarque ; en effet, elle précisait :  « … ne pouvant pas trouvé de nourrice des raisons que je ne puis vous dire me force a vous le mettre antre  les mains, mais je labandon pas »[30] et annonçait la retirer prochainement .

Sainte Philomène est citée à 4 reprises. En effet, elle fut surtout vénérée à partir de 1802 et notamment après le miracle de 1835. Elle était également la patronne des bateliers, est-ce une explication ? Selon Arlette Dubois, elle était invoquée « comme protectrice des petits enfants ».[31]Saint Aignan est le seul saint local que nous avons rencontré.[32] En 1850, un enfant fut abandonné avec une médaille de Saint Vincent de Paul ce qui semble un choix judicieux de la part des parents au vu de la situation.   

Enfin, des prélats étaient également, mais exceptionnellement (3 cas) représentés sur ces médailles : le pape Pie IX dont le pontificat débuta en 1846 et l’archevêque de Paris, Monseigneur Affre dont la mort tragique due à une balle reçue sur une barricade en 1848 fut commémorée par de nombreuses médailles.

Autres objets à caractère religieux :  croix, crucifix, chapelets …

A côté des médailles, qui numériquement prédominaient, d’autres objets de dévotion accompagnaient les enfants : des croix, des crucifix, des christs, des chapelets (ou des perles de chapelets), des images pieuses, des scapulaires, des reliquaires (ou reliques). Certains étaient simplement cités, d’autres plus complexes, étaient précisément décrits. En mars 1832, Charles Cleton, nouveau-né, était admis à la crèche de l’hôpital avec « pour remarque sur son estomac … une image gravée en taille douce représentant Sainte Sophie ».[33]

En septembre 1812, François Aufran, 5 ans, fut exposé : « avec un petit livre dans lequel se trouvera une petite image qui a pour titre ses mots Saint Antoine de Padoue ». [34]Comme pour Saint Vincent de Paul, ce choix semble pertinent ; en effet, ce prêtre franciscain portugais du XIIIe siècle était (est encore peut-être) invoqué pour retrouver les objets perdus. Malheureusement, malgré cette protection, François, décédé à l’Hôtel Dieu 4 mois après son abandon, ne retournera jamais dans sa famille.   Le 28 décembre 1819, Herpina Louise Augustine Stéphanie,5 mois, était exposée avec « au col un chapelet en bois noir » et le billet précisait « le chapelet quelle porte au col a été benit par notre St Père le pape »[35] : information sans doute importante aux yeux des abandonneurs. Le 14 décembre 1822, François Enin, nouveau-né avait « dans son col …. un petit chapelet dont les perles sont en os, enfilé d’un gros fil retord, la croix est de deux perles enfilées de grosse laine jaune et verte et attachée avec de la laine noire ».[36] En 1852, Marie Louise Bricourt, 20 jours, était abandonnée avec : « une médaille en argent en forme de cœur et ornée de plusieurs cœurs et légendes au milieu de laquelle sont écrites ces mots Dieu en moi moi en Dieu » . [37]

Ainsi, de nombreux objets à caractère religieux furent déposés auprès des enfants abandonnés. Cette pratique était cependant moins importante à Orléans que dans les Côtes-du-Nord. Quelles étaient les intentions des parents ? Voulaient-ils seulement disposer d’un signe de reconnaissance au moment de retirer leurs enfants ? Ces objets n’étaient alors pour eux que de simples remarques. Toutefois, il s’agissait de médailles, de chapelets, de crucifix…Certains parents souhaitaient-ils aussi signifier leur foi catholique, placer leur progéniture sous la protection d’un saint ? Ils savaient sans doute que leurs abandonnés étaient pris en charge dans un 1er temps par des religieuses et espéraient-ils ainsi obtenir des sœurs un regard bienveillant pour ces enfants, parfois considérés comme issus du pécher ?

Des objets de la vie courante.

Des pièces de monnaie.

Neuf enfants furent abandonnés avec des pièces de monnaie au cours de la période. Quand elles étaient percées d’un trou ou coupées en deux, on peut penser que les parents les considéraient comme des marques. Ainsi, en 1821, Marianne Françoise Britan, 21 jours, avait « autour du col une pièce de cinq sols, monnaie anglaise percée et passée d’un ruban de fil rouge ».[38]Par la suite, d’autres enfants furent reçus avec des pièces incomplètes : la moitié d’une pièce de monnaie suisse (1841), la moitié d’un centime troué (1850). A contrario, on peut s’interroger sur les motivations des parents, quand les enfants étaient abandonnés avec un peu d’argent telle Anne Lahire, 2 ans retrouvée avec « un liard dans la main droite » [39] ou Cécile Durant, 5 ans et demi avec « dans la poche gauche de son tablier … 5 sous dont 3 petits et une pièce de 2 sous »[40]. Souhaitaient-ils modestement ou symboliquement participer à l’entretien de leurs enfants, leur laisser un petit pécule ? Espéraient-ils ne pas passer pour des parents irresponsables, indignes ? Au vu de la modicité des sommes, ils voulaient peut-être aussi montrer leur indigence. Pour Cécile, l’argent laissé dans son vêtement, n’était pas un signe de reconnaissance. En effet, cette petite fille « infirme et imbécile » portait également « un collier de perles bleues et jaunes cuivrées enfilées dans un lacet blanc et bleu, auquel le collier était attaché une petite médaille » et elle avait « autour de son corps un ruban de laine blanche et violette long d’une aune ». [41]

Des couteaux.

 

En 1824, Françoise Rosalie Rigor était exposée avec un « couteau jaune attaché avec un ruban de fil retord »[42]. Comme elle, 5 autres enfants, des garçons et des filles disposaient aussi d’un couteau. Agée de 27 mois, elle était la plus jeune ; les autres avaient entre 3 ans et demi et 5 ans. Cet objet usuel avait-il été laissé aux abandonnés pour servir de moyens de reconnaissance ? Pour elle, ce n’est pas certain ; en effet, comme l’a vu précédemment, elle portait aussi un collier. Pour les autres, peut-être était-ce l’intention des parents ? Il est vrai que tout élément inhabituel présent près de l’enfant pouvait ultérieurement permettre son identification

Des cartes à jouer.

Tous les historiens qui ont étudié l’abandon signalent la présence de cartes à jouer auprès des enfants. Il est vrai que pour les parents, c’était un objet facile à trouver, peu cher, aisément transformable en marque : il suffisait de la couper en deux et d’en conserver une moitié. En 1825, les parents de Marie Reine Jacquet, nouveau-née jugèrent nécessaire de préciser : « on aura bonté de la remettre à la personne qui en venant la réclamer représentera le fraguement de carte qui s’ajuste avec celui-ci ».[43]

Pour Orléans, 27 cartes furent retrouvées auprès des enfants, généralement bien décrites. Pour quelques-unes, seul le mot carte est noté sur le procès-verbal d’exposition ; nous avons alors estimé au vu des pratiques de l’époque qu’il s’agissait vraisemblablement de cartes à jouer. Bien sûr, elles étaient moins fréquentes qu’à Rouen, centre de fabrication. Trèfle, pique, carreau, dame, valet, 8, 9 … aucune couleur, aucune valeur ne semblaient plus particulièrement choisies.

Elles étaient placées dans les langes des enfants, sur leur estomac. Parfois, des parents prirent la précaution de les attacher. Ainsi, le 2 frimaire an 7, les deux enfants Sabot, Christine, 4 ans et Vincent 6 mois avaient : « sur … epaule gauche une carte cousue a un petit ruban bleu ciel d’un mi tiers de long lequel ruban était cousu par le bout a l’epaule gauche »[44]. De plus, elles servaient fréquemment de billet. En 1812, un nouveau-né était abandonné avec « attaché sur son estomac une carte portant ces mots : alexis michel né aujourd’hui 26 Xbre 1812 à trois heures du soir a été ondoyé ».[45] L’enfant fut enregistré à l’état civil avec ces deux prénoms auxquels fut ajouté le patronyme Carte. Elles pouvaient être laissées entières, mais le plus souvent elles étaient simplement coupées. Parfois, elles étaient plus élaborées. Ainsi, le billet qui accompagnait Louis Lancteau en 1819 était : « un morceau de carte coupée en feston, marqué de petits carreaux à l’encre et portant numero 4 »[46] .

 Des sachets de sel

Les historiens ont également noté la présence de sachet de sel auprès des abandonnés. Pour Lannion, Isabelle Le Boulanger explique que : « cette pratique est à décrypter comme un appel à procéder rapidement au baptême de l’enfant. Véritable conservateur naturel, quelques grains de sel sont censés protéger l’enfant et lui assurer la vie éternelle »[47] . Pour Orléans, 8 enfants furent exposés avec du sel le plus souvent contenu  dans un paquet de toile ou dans du papier, simplement placé sur l’estomac ou dans la manche ou parfois attaché aux vêtements. Le 19 fructidor An 9, Zacharie Cloud avait sur son « bras gauche attache avec un fil noir un gros papier jaune contenant du sel » [48] . Nous connaissons l’âge de 7 de ces enfants : 6 nouveau-nés et 2 petites filles de 2 et 8 jours. Aucun d’eux n’avait de billet. On peut donc penser qu’ils n’étaient pas baptisés et que peut-être le sel avait été placé pour réclamer ce sacrement par des parents incapables de rédiger un billet.

Des végétaux.

Quatre enfants furent retrouvés avec des végétaux auprès d’eux :

-       Une branche de fougère

-       Un écheveau de chanvre

-       Une rose attachée au cou

-       Un collier en racine de lierre.

Quelle était l’intention des parents ? Périssables, impossible à conserver sur du long terme, ils ne pouvaient pas les considérer comme des moyens d’identification fiables. Peut-être souhaitaient-ils seulement distinguer leurs enfants parmi les nombreux abandonnés et leur laissaient quelque chose de personnel ? Et le manque de temps ou la misère les obligèrent à faire ces choix. Le collier avait-il été confectionné par la mère ?

Des marques de fabrication familiale.

 Arlette Dubois évoque pour Rouen : « des compositions personnelles associant diverses matières »[49]. Il s’agit de remarques plus élaborées, sans doute réalisées par la mère ou les parents.

Pour Orléans, nous avons repéré un exemple.

  

 

 

 

 

 

 

Comme pour le cœur de Louise Rouge Cœur, on peut penser que le morceau qui manque avait été conservé façon puzzle à reconstituer lors de la reprise de l’ enfant.

Des objets divers et variés voire insolites.

Pour les enfants de Rouen, Jean-Pierre Bardet évoque des objets hétéroclites. Pour Orléans, nous avons aussi constaté qu’outre les remarques habituelles (médailles, bijoux, rubans...), étaient parfois notés dans les procès-verbaux des objets plus insolites. Nous en citons quelques-uns dans le tableau ci-dessous.

Année

                                                    Objets

An 10

Pain à cacheter rouge

An11

Jarretière de culotte

1812

Une plume tillée dans du papier blanc

1813

Pieu à cacheter

1818

Tresse de crin noir

1828

Grande boucle de rideau en cuivre jaune cousu au corset

1839

Un escargot attaché avec une ficelle au bras droit

1843

Une petite plaque ronde en métal blanc piquée de la lettre D

1853

Un anneau de cuivre jaune

1853

Un petit bouton cuivre jaune

1854

Un bouton noir dans les langes

1856

Un bouton de cuivre attaché au cou

1855

Un cachet de chemin de fer Vierzon Foecy attaché au cou

1855

Un morceau de décamètre ayant 31 cm

1855

Un demi-crayon en argent attaché au cou

 Avec ces objets que nous jugeons insolites, des parents pensaient-ils disposer de moyens d’identification pour l’avenir ? L’indigence ou le manque de temps (naissance imprévue, abandon décidé dans l’urgence) les avaient sans doute contraints à utiliser des choses de leur quotidien. Un bouton de cuivre attaché au cou, une jarretière pouvaient alors remplacer la médaille ou le ruban déposés habituellement. D’autres prirent-ils la précaution de conserver un bouton semblable à celui laissé avec l’enfant ?

Devenir des marques.

Dans les billets, des parents signalèrent les marques et certains demandèrent expressément leur maintien auprès de leurs enfants.

Ils étaient sans doute particulièrement attachés aux bijoux et aux objets religieux.  En 1819, la mère ou les parents du nouveau-né, Charles Antonio Cli s’exprimaient ainsi dans le billet : « qu’il conserve constamment et soigneusement la boucle d’oreille à gauche ».[50]De même, en 1826, ceux de la nouveau-née, Marie-Rosalie Rulan signalaient la présence d’ « une médaille d’argent représentant d’un côté notre seigneur et de l’autre la Sainte Vierge enfilée dans une ganse de soie noire d’environ une aune » et ajoutaient « il faut mon enfant porter cette médaille toujours à votre cou. Malheur à qui vous en priverait ».[51]

Mais, des parents sollicitaient la même attention pour des marques de moindre valeur. En 1812, certains précisaient pour un nouveau-né : « vous voudré bien lui leseré le cordon quel a autour del tain quelle vivra » [52] ; d’autres pour un nourrisson de 25 jours : « munie d’un cordon violet on pris ces dames de lui laisser »[53].

Leur demande ne fut pas respectée. A leur arrivée à la crèche, les enfants étaient déshabillés, leurs vêtures et les éventuelles remarques étaient notifiées avec grande précision dans les procès-verbaux. Les objets étaient conservés ; certains sont encore présents dans les services d’archives. Ce sont des témoins émouvants d’abandons ayant eu lieu au XIXe siècle. Il est vrai qu’un ruban ne pouvait pas demeurer au bras d’un enfant très longtemps. Les risques de perte, d’usure, de vol étaient importants. De plus, les abandonnés devaient porter selon les époques les boucles d’oreille, les colliers identificatoires de l’administration et donc ils ne pouvaient pas en plus conserver les bijoux familiaux.

Certains parents craignant sans doute la perte des marques décrivaient dans les billets comme signes distinctifs des particularités physiques de leurs enfants (cicatrices, taches de naissance) ; d’autres réalisèrent ou firent faire des tatouages, des brûlures ou des coupures. Cet aspect a été présenté dans notre étude sur la santé dans ce blog : Santé et état physique des abandonnés à leur exposition.

Peu d’historiens évoquèrent cette pratique bien repérée à Orléans hormis Pierre Bardet pour Rouen dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.[54]        


Exemples de marques originales conservées aux archives municipales d’Orléans. 3Q 5 (an 3-an 13).

 

        

 

 

 

 

   

                       

                                                     

 

        

      

 

 

 

 

  

 

                 

 

 

    

 



[1] Dubois Arlette, Les enfants du secret : enfants trouvés du XVIIe siècle à nosjours Musée Flaubert et d’Histoire de la médecine de Rouen. Paris 2008. p.146.

[2] Langlois François. Les enfants abandonnés à Caen, 1661-1820. In : Histoire, économie et société, 1987, 6e année, n°3. L'enfant abandonné. pp. 307-328; doi : https://doi.org/10.3406/hes.1987.1454 https://www.persee.fr/doc/hes_0752-5702_1987_num_6_3_1454

[3] Bardet Jean-Pierre. Enfants abandonnés et enfants assistés à Rouen dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. In : Annales de démographie historique, 1973. Hommage à Marcel Reinhard. Sur la population française au XVIIIe et au XIXe siècles. pp. 19-47; doi : https://doi.org/10.3406/adh.1973.1129 https://www.persee.fr/doc/adh_0066-2062_1973_hos_1973_1_1129

[4] Dubois Arlette Op.cit., p.149

[5] Le Boulanger, Isabelle, L’abandon d’enfants. L’exemple des Côtes-du-Nord au XIXe siècle. Presses universitaires de Rennes, 2011. p.113

[6] Moins de 10 % entre 1838 et 1841.

[7] A.M.O. registre d’état civil des naissances d’Orléans 1827 n° 1003

[8]A.M.O registre d’état civil des naissances d’Orléans n°1003.

[9] A.M.O registre d’état civil des naissances d’Orléans n°1143.

 

[10] Langlois François. Op.cit., p. 317

[11] A.M.O. 3Q 8 procès-verbal d’exposition 22/02/1813

[12] A.M.O registre d’état civil des naissances d’Orléans 1824 n°434.

[13] A.M.O registre d’état civil des naissances d’Orléans 1824 n°532

[14] A.M.O 3Q 10 Procès-verbal d’exposition 14/3/1817.

[15] Dubois Arlette, Les enfants du secret : enfants trouvés du XVIIe siècle à nosjours Musée Flaubert et d’Histoire de la médecine de Rouen. Paris 2008. p.72

[16] A.M.O 3Q 5 Procès-verbal d’exposition 27 fructidor an 13.

[17] A.M.O registre d’état civil des naissances d’Orléans 1851 n° 288

[18] Règne de Louis XIV (1638-1715) s’étend de 1643 (régence d’Anne d’Autriche) à 1715.

[19] « À l’occasion de la pose de la première pierre de la chapelle du Val-de-Grâce, le 1er avril 1645, une médaille fut réalisée pour rappeler le vœu d’Anne d’Autriche d’élever une église pour la naissance, le 5 septembre 1638, de son premier fils, le futur Louis XIV. » https://musees-reims.fr/oeuvre/avers-de-la-medaille-anne-d-autriche-naissance-de-louis-xiv#Description La reproduction de cette médaille est faite à titre d’illustratioin sans certitude que celle que portait l’enfant soit la même.

[20] A.M.O 3Q 7 Procès-verbaux d’exposition 10/5 et 22/7 1811.

[21] A.M.O. registre d’état civil des naissances d’Orléans n° 1 2eme registre

[22] A.M.O. 3Q 8 03/07/1813 et 12/09/1813

[23] A.M.O registre d’état civil des naissances d’Orléans 1847 n° 339

[24] A.M.O. registre d’état civil des naissances d’Orléans 1856 n° 156

[25] Adrien-Jean-Maximilien Vachette est un orfèvre français, connu pour sa production de la médaille miraculeuse et de boîtes ciselées d'or. https://fr.wikipedia.org/wiki/Adrien_Vachette/ Les médailles portaient par les enfants avaient à priori le même visuel

[26] A.M.O. registre d’état civil des naissances d’Orléans 1851 n° 993

[27] A.M.O registre d’état civil des naissances d’Orléans 1829 n° 787.

[28] Saint-Stanislas de Hoska est un saint polonais du XVIe siècle qui a été canonisé en 1726 avec Louis de Gonzague, un saint italien également du XVIe siècle. Ils sont représentés ensemble sur une médaille retrouvée auprès d’un enfant abandonné à Orléans en 1851. https://fr.wikipedia.org/wiki/Stanislas_Kostka

[29] A.M.O. registre d’état civil des naissances d’Orléans 1836 n°274

[30] Ibid.

[31] Dubois Arlette, Les enfants du secret : enfants trouvés du XVIIe siècle à nosjours Musée Flaubert et d’Histoire de la médecine de Rouen. Paris 2008. p.149

[32] Saint Aignan (358-453 environ), Evêque d’Orléans. Il sauva la ville en 451(Attila)

[33] A.M.O. registre d’état civil des naissances d’Orléans 1832 n° 523

[34] A.M.O. 3Q 8 procès-verbal d’exposition. Abandon le 26/09/1812. Décès le 17/01/1813

[35] A.M.O. registre d’état civil des naissances d’Orléans 1819 n°1542

[36] A.M.O. registre d’état civil des naissances d’Orléans 1822 n° 1320

[37] A.M.O. registre d’état civil des naissances d’Orléans 2ème registre 1852 n° 75

[38] A.M.O. registre d’état civil des naissances d’Orléans 1821 n° 205

[39] A.M.O. registre d’état civil des naissances d’Orléans 1834 n° 1301

[40] A.M.O registre d’état civil des naissances d’Orléans 1835 n°1204

[41] Ibid.

[42] A.M.O. registre d’état civil des naissances 1824 n° 434

[43] A.M.O. registre d’état civil des naissances 1825 n°31

[44] A.M.O. 3Q 5 procès-verbal d’exposition 2 frimaire an 7

[45] A.M.O. 3Q 8 procès- verbal d’exposition  6/12/1812.

[46] A.M.O. registre d’état civil des naissances d’Orléans 1819 n°384

[47] Le Boulanger, Isabelle, L’abandon d’enfants. L’exemple des Côtes-du-Nord au XIXe siècle. Presses universitaires de Rennes, 2011. p.114

[48] A.M.O. 3Q 5 procès-verbal d’exposition 19 fructidor An 9

[49] Op.cit., p146

[50] A.M.O. registre d’état civil des naissances d’Orléans 1819 n° 735

[51] A.M.O. registre d’état civil des naissances d’Orléans 1826 n° 272

[52] A.M.O. procès-verbal d’exposition 10/02/1812 Madeleine Adelle Jeanne Melanie

[53] A.M.O. registre d’état civil des naissances d’Orléans 1812 n° 1469 Mirpary Marie Eleonide

[54] Bardet Jean-Pierre. Enfants abandonnés et enfants assistés à Rouen dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Op.cit., p. 37.

 

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