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Contributions à l'histoire de l'enfance aux XVIIIe et XIXe siècle
3 juin 2023

Des enfants abandonnés sur la voie publique, des orphelins, des enfants placés.

Si l’immense majorité des enfants intégrant le service des enfants trouvés et abandonnés de l’hospice d’Orléans passait par le tour, une minorité difficilement quantifiable rejoignait leurs compagnons d’infortune par d’autres voies. Administrativement, il n’appartenait pas à la même catégorie, dans les faits, pour nombre d’entre eux, peu de choses différenciaient leur avenir de ceux déposés dans le tour, hormis leur âge, on relève peu de nouveau-nés et parfois l’espoir que ce placement serait momentané.

La présente contribution a pour objet de tenter de cerner ce groupe d’enfants, d’éclairer les circonstances de leur entrée dans le service, de décrire des vécus. Nous nous intéresserons aux enfants abandonnés sur la voie publique et en d’autres lieux, aux orphelins, aux enfants retirés de leur famille. Deux autres catégories relevant plutôt d’une admission provisoire, à savoir ceux dont les parents étaient incarcérés ou hospitalisés, font, pour des raisons pratiques, l’objet d’une seconde publication sous le titre : Des parents emprisonnés ou malades, des enfants accueillis à l’hôpital,néanmoins ces deux études sont complémentaires. Pour illustrer nos propos et mieux témoigner de la dureté de la vie de ces enfants, nous avons fait le choix, dans ces deux études, de décrire de nombreux parcours.

Les sources.

Pour réaliser cette étude, nous avons utilisé deux sources principales : les arrêtés du maire de la ville d’Orléans se trouvant aux archives municipales et les registres de correspondance active de l’hôpital d’Orléans déposés aux archives départementales.

Les arrêtés du maire.

« Afin de matérialiser une décision administrative individuelle ou collective, le maire prend des arrêtés. Ils concernent tous les domaines de la vie municipale et, notamment, les pouvoirs de police et ceux de nomination du personnel.  […] Les arrêtés sont classés chronologiquement. Des tables alphabétiques permettent de prendre connaissance des principaux sujets abordés. »[1]Nous les avons consultés entre 1806 et 1837.[2] Ils sont côtés de 2D1 à 2 D3 et mis en ligne sur le site des archives municipales. Voici à titre d’exemple, en 1825, l’arrêté concernant Félix Faucheux, âgé de 3 ans que « ses père et mère en quittant cette ville l’ont laissé dans l’abandon le plus absolu ».Il fut admis au titre des enfants abandonnés.

 

             A.M.O, 2D2, admission le 5 novembre de Louis Faucheux au titre des enfants abandonnés.

 

La correspondance active de l‘administration de l’hôpital général.

Les registres de correspondance active de l‘administration de l’hôpital général sont notre seconde source. Parmi, les centaines de lettres adressées principalement au préfet du Loiret et aux maires du département figurent, entre autres de nombreuses missives concernant notre propos. Si l’on peut regretter l’absence des mêmes documents pour la correspondance passive, cette source s’est néanmoins révélée très utile pour différents aspects de notre étude. Ainsi, dans ce courrier de 1839, reproduit ci-dessous, adressé au maire d’Orléans, il est question de l’accueil provisoire d’une jeune fille de six ans trouvée sur la voie publique et dont il faut régulariser la situation au regard du règlement régissant l’admission des enfants abandonnés.

 

 A.D. 45 2L9, lettre 17 décembre 1839 au maire d’Orléans.

 

Enfants abandonnés et orphelins pauvres.

Le décret du 19 janvier 1811 reconnaissait trois catégories d’enfants relevant de la charité publique comme nous l’avons décrit dans l’article sur la législation. Notre propos concerne les enfants du titre III à savoir : « Les enfans abandonnés sont ceux qui, nés de pères ou mères connus, et d’abord élevés par eux, ou par d’autres personnes à leur décharge, en sont délaissés sans qu’on sache ce que les pères et mères sont devenus, ou sans qu’on puisse recourir à eux. Et « Les orphelins sont ceux qui, n’ayant ni père ni mère, n’ont aucun moyen d’existence. » [3]

Si, le décret définissait de façon précise les catégories d’ayant droit, le choix des termes utilisés pour décrire la situation d’un enfant était, dans les faits, beaucoup plus lâche. Ainsi un enfant laissé sur la voie publique est considéré comme étant abandonné alors qu’il relève des enfants trouvés au regard de la loi.[4] Autres cas, les enfants dont les parent se trouvent hospitalisés, là aussi ils sont admis au rang des enfants abandonnés, ce qui peut se discuter. Il en est de même, comme nous le verrons dans l’étude qui leur est consacrée, des enfants dont les parents sont en prison. Les deux exemples qui suivent outre qu’ils exposent le parcours de deux fratries attestent de choix lexicaux contestables. En effet, nous constatons le terme que « enfant abandonné » est employé de façon assez systématique pour décrire des situations parfois assez éloignées dans les faits.

Victorine et Elisabeth Joséphine : « entièrement abandonnés et sans aucune ressource » [5]

En 1818, Victorine âgée de 2 mois et demi et sa sœur Elisabeth Joséphine, 6 ans perdent leur père, Pascal Moutardier, maréchal de son état, décédé à l’Hôtel-Dieu le 29 août. Le 12 octobre, sa veuve Marie Françoise Armand meurt au même endroit. Elle était accompagnée de ses deux enfants. Ces derniers ne pouvant rester dans ce lieu, il était nécessaire de statuer sur leur devenir. En fait, le couple Moutardier avait cinq enfants. « La famille dudit Moutardier et sa femme peu fortunée veulent bien se charger de ce qui étaient restés chez eux. ». Le maire d’Orléans constatait « que les deux derniers se trouvaient entièrement abandonnés et sans aucune ressource ». Ils furent considérés « comme abandonnés par la mort de leur père et mère dans la misère. » On pourrait penser qu’ils relevaient plutôt de la catégorie des orphelins pauvres. Le fait que le reste de la fratrie soit accueilli dans la famille des parents explique peut-être qu’ils soient admis comme enfants abandonnés.

René et Noël : orphelins de Boury (Loir-et-Cher).[6]

Dans le cas de René et Noël Gérard respectivement âgés de 9 et 6 ans, leur mère Marie Noyau, veuve Gérard, originaire de Boury (Loir-et-Cher) meurt à l’Hôtel-Dieu en 1818. Ses deux enfants qui l’accompagnaient bien que notés orphelins dans l’arrêté furent admis provisoirement « comme enfants abandonnés jusqu’à ce qu’ils puissent être remis à leur famille soit au maire de leur dernier domicile, qui doit pourvoir à leur existence. ».Là, encore l’appellation enfant abandonné, si on la prend dans le sens d’un acte volontaire, est contestable. Notons qu’ils n’avaient pas vocation à rester à l’hôpital d’Orléans relevant du Loir-et-Cher.

Au-delà des remarques sur le lexique utilisé, ces deux exemples témoignent de situations qui amenèrent ces quatre enfants à être accueillis à l’hôpital d’Orléans : provisoirement ? Définitivement ? In fine, trouvés ? Abandonnés, orphelins pauvres, le statut n’était pas l’essentiel, ils avaient des perspectives communes.

Enfants abandonnés et orphelins pauvres : essai de quantification.

Rapportés à la masse des enfants exposés dans le tour, ceux qui entraient dans l’hôpital au titre des enfants abandonnés ou d’orphelins pauvres représentent un nombre peu élevé. Dans ce chapitre, nous présenterons les différentes données dont nous disposons. Notre première source s’appuie sur les arrêtés du maire d’Orléans. Entre le 28 mars 1807 et le 29 septembre 1837, soit trente ans et demi nous en avons relevé 170 concernant 225 enfants. Une seconde source nous aide à cerner le problème, il s’agit d’un registre se trouvant aux archives départementales du Loiret sous la côte 1 Q 811 intitulé « Registre servant à inscrire les noms des enfans revenus de nourrices. ». Avec l’état civil de l’enfant figure sa date d’admission et à quel titre il l’a été. Trois motifs sont indiqués : exposé, abandonné, orphelin. [7] Nous avons procédé à un comptage entre 1839 et 1856 et repéré 65 abandonnés et 5 orphelins, ce qui représente peu de chose par rapport à la masse des enfants exposés dont les noms figurent dans le document. En fait, ce comptage par la nature du registre n’a guère de valeur, en effet nous échappe ce qui restèrent en nourrice sans revenir ponctuellement à l’hôpital ou ceux qui y décédèrent.

A.D.45 1 Q 811 « Registre servant à inscrire les noms des enfans revenus de nourrices. »

 

La source la plus fiable est le « Mouvement des enfans trouvés et abandonnés de l’hôpital général d’Orléans », il s’agit d’un tableau très complet se trouvant dans les comptes moraux de 1843 de la commission administrative de l’hôpital général. [8] Dans la colonne n° 4 est noté le nombre d’enfants « exposés dans le cours de l’année » et dans la n° 5, les enfants abandonnés admis dans l’année et ceux pour les 20 années allant de 1824 à 1843.[9] Nous avons complété ces données avec des chiffres figurant dans les comptes moraux des années suivantes et dans des tableaux statistiques publiés dans les procès-verbaux des sessions du Conseil général à partir de 1850. Ces éléments nous ont permis de visualiser de façon plus précise le nombre d’enfants admis au titre des abandonnés jusqu’en 1856 soit sur 30 ans, du fait de trois années lacunaires. Sur la période considérée, 767 enfants furent admis comme abandonnés, en moyenne 25 par an et 8 744 le furent comme enfants trouvés soit un total de 9 511 entrées, les abandonnés représentant 8 % des admissions. Nous ne disposons que de peu de données sur le nombre d’orphelins. Quant aux enfants déposés directement à la crèche par suite des accouchements de leurs mères à la maternité d’Orléans, nous ignorons leur nombre.

Le nombre des enfants admis au titre des abandonnés oscille entre 10 et 30 par an, à l’exception des années 1847 avec 67 abandons et 1849 avec 50. L’augmentation de 1847-1849 s’explique par la situation économique, les années 1846-1847 correspondant à un moment de marasme économique, le prix de l’hectolitre de blé passant de 21,32 francs en 1845 à 31,17 en 1846 pour atteindre 44,68 en 1847.  La situation politique liée au changement de régime en 1848 eut aussi des répercussions sur les conditions de vie des familles les plus fragiles.

Le tableau ci-dessous récapitule les quelques données dont nous disposons sur les effectifs des enfants abandonnés à la charge de l’hôpital.

Situation au 1/1

Nombre de présents

A l’hospice

A la campagne

Pourcentage des effectifs

1806

52

 

 

13

1809

72

 

 

13,6

1810

63

 

 

13,5

1812

52

41

11

9

1846

81

30

51

9,2

1847

61

26

35

7,3

1851

53

14

38

6,2

1852

62

26

36

7

1853

52

14

38

6,1

1854

59

24

29

6,9

1855

59

26

33

7,1

1856

55

29

26

7,2

Effectif des enfants admis au titre des abandonnés au cours de l’année indiquée. Sources : AD 45 1L 17 Rapports de la commission administrative 29 juin 1810 et 1812 et 53 PO année, tableaux statistiques annexés aux délibérations du Conseil général de l’année indiquée.

Les données partielles dont nous disposons montrent que le nombre des admissions au titre des enfants abandonnés n’était le principal problème pour les administrateurs de l’hôpital. Elles pesaient peu sur les effectifs face à la masse des enfants trouvés exposés dans le tour. Pour les années documentées, ils sont en général entre 50 et 60. D’ailleurs les citations les concernant vont dans ce sens : « le nombre bien peu considérable relativement à l’étendue du département et surtout par comparaison à celui des enfants exposés la même année » ou « ce petit nombre [d’abandonnés] justifie suffisamment que la commission ne saurait se rendre plus sévère sur les admissions. » .[10] En 1819, la commission administrative signalait au préfet qu’en 1816-1817, cette catégorie d’enfants ne formait « guère que le 10 éme du total »[11]des admissions. D’ailleurs hormis ces remarques, on ne parle pas d’eux de façon spécifique dans les délibérations. Néanmoins, ils sont bien présents dans de nombreux courriers de la correspondance active. D’autre part, on constate qu’un nombre important d’entre eux réside à l’hôpital et non à la campagne. L’explication tient à ce que ces enfants étaient en général plus âgés que les enfants trouvés, très majoritairement des nouveau-nés. Ils étaient donc plus difficiles à placer, car plutôt qu’une nourrice, c’était une place en apprentissage qu’il fallait leur trouver, démarche beaucoup moins aisée. Enfin, il semble bien que la présence d’enfants relativement âgés voire le maintien de certains au-delà de 12 ans ait posé quelques problèmes à l’intérieur de l’établissement.

Pour conclure ce chapitre, nous présentons les quelques données dont nous disposons concernant les effectifs des orphelins. Leur nombre tourne autour de 38 présents placés majoritairement à la campagne. L’hôpital en admet, en général, une quinzaine par an. Ces données extrêmement partielles sont à prendre avec précaution.

 

Situation au

1 er janvier

Nombre de présents

A l’hospice

A la campagne

Admission dans l’année

1851

36

8

28

15

1852

42

14

28

16

1853

46

14

32

7

1854

40

14

26

8

1855

32

12

20

15

1856

36

18

18

14

Effectif des enfants admis au titre des orphelins au cours de l’année indiquée. Sources : AD 45 53 PO année, tableaux statistiques annexés aux délibérations du Conseil général de l’année indiquée.

 

Les circonstances des admissions à travers les arrêtés du maire.

Il convient maintenant de se pencher sur les circonstances qui amenèrent les 227 enfants concernés par les arrêtés du maire à intégrer l’hôpital. Nous avons recensé 6 catégories : - des enfants abandonnés sur la voie publique ou dans d’autres circonstances ;

-les orphelins ;

- ceux dont les parents sont incarcérés ;

- ceux dont les parents sont hospitalisés ;

- ceux dont les nourrices ne sont plus payées ;

- les enfants placés d’office, car en danger.

Le graphique qui suit permet de visualiser l’importance de chaque catégorie.

Les deux grands motifs d’admission sont les enfants abandonnés dans différentes situations et ceux dont les parents sont en prison, nous allons nous intéresser à la première, la seconde faisant, avec les enfants des parents hospitalisés l’objet d’une publication séparée.

Des enfants trouvés sur la voie publique, des enfants livrés à eux-mêmes. 

Nous l’avons déjà évoqué, le nombre de ces abandons est très faible. Le tour, contrairement à d’autres villes, était bien ancré dans le paysage orléanais du fait de son ancienneté et le décret impérial de 1811 ne modifia probablement pas les habitudes des abandonneurs. De surcroît, comme le note Isabelle Le Boulanger à propos de Côtes-du-Nord « Ce petit nombre s’explique en grande partie, par les peines dissuasives encourues par les dépositaires. ».Elle citait ensuite les textes de loi suivants : l’article 5 de la loi du 27 frimaire an V (17 décembre 1796) et l’article 352 du Code pénal qui prévoyaient pour le premier, que : « Celui qui portera un enfant abandonné ailleurs qu’à l’hospice le plus voisin, sera puni d’une détention de trois décades. » et pour le second : « ceux qui auront exposé et délaissé en un lieu non solitaire un enfant en dessous de l’âge de sept ans accomplis, seront punis d’un emprisonnement de trois mois à un an et une amende de 16 à 100 francs.[12]Ces dispositions furent nuancées par l’instruction du 8 février 1823 afin d’éviter les infanticides. [13] Néanmoins, pour différentes raisons, des enfants se retrouvèrent exposés en dehors de la structure dédiée.  Les renseignements dont nous disposons sur les circonstances de leur infortune méritent que l’on s’y intéresse. Dans un certain nombre de cas, nous avons la certitude que ces enfants furent abandonnés sur la voie publique, pour d’autres un doute existe, certains furent mis entre les mains de tierces personnes qui en prirent soin avant d’informer les autorités, d’autres recueillis par des personnes charitables. Derrière chaque situation se trouve un drame vécu par des enfants souvent assez âgés pour être conscients de leur malheur. Nous privilégierons les études de cas afin de contre-balancer la sécheresse des données chiffrées.

« Trouvé sur la voie publique portereau Tudelle » [14]

Comme pour Albin François Angot âgé de cinq ans et sa sœur Constance de deux ans et neuf mois dont nous reparlerons, nous connaissons précisément le lieu de leur abandon. Le tableau ci-dessous récapitule les données en notre possession. Parmi eux se trouvent 7 nouveau-nés, les heures d’exposition sont dans les normes de celles connues pour les dépôts dans le tour.

 

NOM PRENOM

AGE

LIEU EXPOSITION

HEURE

DATE

SOURCES

Louis Raoul Lucien

NN

2 Rue de mes chevaux

4 h matin

11/9/1813

A.MO procès-verbal d’exposition du 11/9/1813, 3 Q 8.

Alexandre Maximillien

NN

4 rue de la Grille

 

25 prairial an 10

A.M.O État civil naissance Orléans an 10 n° 1190.

Jean La Croix

8 jours

Près église Ste- Croix

 

27/8/1856

A.M.O État civil naissance Orléans 1856 n° 247.

Sophie Aignan

8 jours

5 rue du four à Chaux

19 h

27 brumaire an 13

A.M.O Procès-verbal d’exposition du 27 brumaire an 13, 3 Q 5.

Pierre Donatien

NN

Mail de la Porte Saint-Jean

 

25/5/1806

A.M.O État civil naissance Orléans 1806 n° 685.

Pauline

15 jours

Cathédrale St Croix

18 h

22/6/1807

A.M.O Procès-verbal d’exposition du 22/6/1807, 3 Q 6.

Desiré Eulalie Celestin Labrouille

6, 4 et 2 ans

Porte hôpital général

19 H

27 /11/1808

A.M.O 2D1 Arrêté du maire d’Orléans, 27 /11/1808.

X masculin

8 ans

Porte hôpital général

 

1/6/1839

A.D 45 2 L 9 registre de correspondance active de l’hôpital général, 27 /11/1808

 

LeLoup ou Loup Joseph

4 ans

Dans un fossé du chemin de E Princer

 

7/8/1823

A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 7/8/1823.

Angot Albin et Constance

5 ans et 2 ans 9 mois

Portereau Tudelle

 

29/9/1829

A.M.O 2D 3 Arrêté du maire d’Orléans, 29/9/1829.

Anonyme

NN

Seuil maison 9 rue de l’Écrevisse

21 h

16/4/1832

A.M.O 2D 3 Arrêté du maire d’Orléans, 16/4/1832.

Charles

3 ans

« les environs de notre hospice »

 

24/12/1853

A.D 45 2 L 12 registre de correspondance active de l’hôpital général, 28/2/1853

Recensement des expositions dont le lieu est connu.

L’endroit est en général choisi dans l’optique de permettre une découverte rapide favorisant la survie de l’enfant. Il s’agit souvent d’un endroit fréquenté comme la cathédrale, la porte de l’hôpital. Ce choix s’avère judicieux pour Pauline, exposée dans un panier couvert d’une serviette, elle est trouvée par le sacristain qui la remet au commissaire Grelet. Pierre Donatien est amené à la crèche par le sieur Stanislas Boulard qui l’avait trouvé sur le mail de la Porte -Saint-Jean. Dans d’autres cas, l’exposition se fait à la porte d’une maison particulière comme pour Alexandre Maximilien, nouveau-né déposé 4 rue de la Grille, devant la porte du citoyen Bigot qui avertit le commissaire et lui remet l’abandonné ou comme pour cet enfant anonyme, lui aussi nouveau-né trouvé sur le seuil d’une maison au numéro 9 de la rue de l’Écrevisse. Deux documents nous permettent d’aller plus loin sur les circonstances de la découverte, ceux de Sophie Aignan et Louis Raoul Lucien.

Sophie Aignan, exposée rue du Four à Chaux.[15]

Le 27 brumaire an 13 (18 novembre 1804), Jean Foucher, commissaire officier de police du 1 er arrondissement, est averti de la découverte d’un enfant rue du Four à Chaux, au numéro 5 vis-à-vis de la porte de Mr Delepine, marchand mercier. Arrivé sur place, il trouva un grand rassemblement de personnes dont fort de sa connaissance du quartier, il cite le nom de quatre d’entre eux. La découverte du bébé âgé d’environ huit jours incombe au couple Juteau « qui s’en revenant chez eux ils auraient appercu couché par terre un enfant emmaillotté qu’aussitôt ils ont appelé plusieurs personnes du quartier ». Notons que les Juteau associent les voisins proches à cette « touvaille », la surprise, mais aussi peut-être le souhait de ne pas faire entrer l’enfant chez eux sans qu’ils soient attestés par des témoins qu’ils l’ont bien trouvé dans la rue. Bien qu’il fasse nuit, nous sommes en novembre, aux alentours de 19 heures, la nouvelle se répand rapidement dans les rues adjacentes, provoquant « un grand rassemblement d’hommes et de femmes » preuve que ce genre de fait ne laissait pas la population indifférente. La suite se passe dans la maison des Juteau où l’enfant a été conduit. L’enfant est déshabillé, sa vêture est notée dans le procès-verbal. En absence de billet et d’autres renseignements de la part des habitants présents, il est conduit à l’hôpital général où il reçoit le nom de Sophie Aignan. Sophie fut mise en Nourrice à Darvoy le 2 frimaire an 13 soit 5 jours après son exposition, elle y décédera le 5 novembre 1806, moins de 2 ans après son placement.[16]

A.M.O 3 Q 5. Extrait du Procès-verbal d’exposition de Sophie Aignan.27 brumaire an 13.

« sur les quatre heures du matin ayant entendu des cris d’enfants » [17]

Les 11 septembre 1813 dès 6 heures du matin, le nommé Rousseau, journalier demeurant 2 rue de mes chevaux à Orléans se présentait devant Jean Foucher, commissaire  pour faire la déclaration suivante : «  que ce matin sur les quatre heures ayant entendu les cris d’un enfant dans la ditte rue sa femme se serait levée et étant sortie aurait trouvé à la porte du sieur de son voisin un enfant enveloppé dans un oreiller de plume d’oye couvert de coutil rayé qu’elle l’aurait de suite emporté chez elle et lui aurait administré tous les soins nécessaires a sa position puisqu’elle fut obligée de lombrillé en présence même de plusieurs personnes du quartier ». Notons là encore la présence de plusieurs voisins, eux aussi alertés par les cris de l’enfant ou les échanges du couple Rousseau s’étonnant de cette découverte. A moins que les Rousseau aient tout simplement ameuté leurs voisins pour se couvrir. Il ressort d’après les différents voisins « que cet enfant aurait été exposé sur les trois heures et demie du matin à quatre heures moins le quart qu’on a entendu plusieurs personnes marcher dans la rue et le bruit d’une cariolle suspendue qui s’est arretée un instant et est repartie de suite ». L’examen de l’enfant outre la description de sa vêture permit au commissaire de constater la présence d’une marque noire sur la main qu’il attribue peut-être à une meurtrissure. L’enfant était aussi porteur, attaché au poignet droit par un cordonnet de soie verte, d’un billet « dont le tracé présentait un nom coupé en zic-zac pour être rapproché de l’autre moitié qui sera présenté lorsqu’on réclamera l’enfant. » Sur ce papier figurait la date de naissance de l’enfant le 10 septembre 1813 à trois heures de l’après-midi et qu’on souhaitait qu’il fût baptisé Louis Raoul. Le billet signalait aussi la présence de vingt francs avec la mention « on ajoutera à cette somme des qu’on pourra ». Il s’avère que l’argent ne fut pas retrouvé, aucun des témoins ne les ayant vus. On peut envisager que si l’enfant était bien dans la carriole, son cocher était un « meneur » chargé de déposer l’enfant au tour et qu’il décida de laisser l’enfant dans la rue. Est-ce lui qui subtilisa ces vingt francs si ces derniers existaient, la question peut être posée. Pour en terminer avec cette description un peu longue, mais une des rares aussi détaillée, signalons que Louis Raoul nommé Lucien décédera à l’hospice le 24 septembre 1813 soit 13 jours après son admission.[18] Dans ces quatre cas, l’exposition se fait devant la maison d’un particulier. Isabelle Le Boulanger propose deux explications à ce type de localisation, « Soit, la personne désignée a la confiance de la mère et elle est chargée implicitement d’emmener l’enfant à l’hospice le plus proche, soit, il s’agit de désigner le géniteur de l’enfant. »[19] Dans les cas cités, nous sommes bien incapables de trancher, mais nous avons rencontré deux abandons se passant à la campagne qui pourraient concerner la seconde explication. Le premier eut lieu à Grangermon  (canton de Puiseaux), le maire en narre les circonstances : «  Ce trois du présent mois, à trois heures de l’après-midi il nous a été fait le rapport suivant qu’une personne inconnue est entrée chez le sieur Jacques Benoist habitant cette commune avec un enfant emmailloté, et qu’elle est sortie, n’ayant plus rien entre les bras … »  [20]  L’enquête menée par la gendarmerie et le maire fut infructueuse. L’enfant âgé de 3 mois et demi fut d’en un premier temps confié à une nourrice avant d’être admis comme enfant trouvé. Le second dépôt se déroula à Saint-Maurice-sur Aveyron, le maire fait état du témoignage du Sieur David, cultivateur,  lui ayant déclaré :  « Le 29 mars la nommée Françoise Gonthier domestique chez le sieur Beaufils père domicilié en cette commune s’était introduite dans l’écurie du déclarant et y avait déposé dans le lit de son garçon charretier un enfant de sexe féminin âgé d’environ 5 semaines que depuis cette femme avait quitté la commune et s’était retirée dans les environs de Saint-Sauveur ».  [21] Bien entendu, rien ne permet d’affirmer que Jacques Benoist et le garçon charretier soient les pères de ces enfants, néanmoins dans le cas du deuxième, une forte présomption pèse. Le troisième cas laisse perplexe.

Le lieu de l’abandon ne permettait cependant pas toujours une découverte rapide comme en témoigne le cas de Joseph Leloup.

Joseph Leloup attend sa mère dans un fossé.[22]

Joseph Leloup ou Loup, un doute subsistait sur le nom, âgé de 4 ans, fut trouvé, en 1823 dans un fossé du chemin Princer. Interrogé, il déclara « avoir été abandonné la veille dans cet endroit par sa mère qui avait promis de venir le reprendre » et habiter près de l’église de Pithiviers. Il y a tout lieu de penser que cet enfant passa une nuit, certes du mois d’août, dans ce fossé.

D’autres enfants furent trouvés sur la voie publique sans que l’on sache grand-chose sur les circonstances de leur abandon. En 1831, un enfant de dix ans se disant orphelin et ignorant son nom et ceux de ses parents fut admis provisoirement à l’hôpital général. [23] Dans le cas de Pierre Frédéric, 4 ans, un billet portait bien sa date de naissance et la description de sa vêture, les recherches dans l’état civil d’Orléans s’avèrent vaines. [24]

Les règles d’admission des enfants abandonnés. 

Face à l’augmentation croissante des abandons et des expositions hors du tour, l’administration de l’hôpital général appliqua de façon plus stricte les règles d’admission. L’accueil se faisait à titre provisoire dans une optique de mise en sécurité des enfants, mais son maintien définitif devait entrer dans le cadre des règlements. L’exemple qui suit permet de les connaître. En 1839, une jeune fille de 6 ans, trouvée sur la voie publique fût amenée par le commissaire Loiseau à l’hôpital. L’administration de l’établissement n'appréciant guère la façon de procéder en fit part au maire d’Orléans, lui demandant de rappeler au commissaire la procédure. [25] Trois semaines plus tard, la situation de l’enfant n’étant toujours pas régularisée, un second courrier rappela les formalités à remplir.

L’accueil ne pouvait se faire :

1)    « Après une note de notoriété du juge de paix ou du Maire constatant l’absence de leurs pères ou mères

2)    Sur l’expédition du jugement correctionnel ou criminel qui les prive de l’assistance de leurs parents.

3)    Aucun enfant abandonné ne peut être admis s’il y a atteint l’âge de 12 ans. »

Ces pièces devaient être immédiatement transmises à M. Le Préfet du Loiret pour que ce magistrat prononce s’il y a lieu l’admission définitive de l’enfant. »[26]

Le dernier mot revenait au préfet, qui statuait d’après les éléments fournis par l’hôpital. Il semble bien que l’administration hospitalière, tout en acceptant l’accueil provisoire, se pencher sérieusement sur les cas ne relevant pas de leur périmètre : l’encombrement du service et l’aspect financier en étant la motivation.

A ces règles, venait s’ajouter le critère de l’origine géographique des enfants. En 1808, la veuve Pierre Labrouille, mendiante, domiciliée en Eure-et-Loir, arrivée à Orléans le 27 novembre avec ses quatre enfants, en exposa 3, âgé de 6, 4 et 2 ans à la porte de l’hôpital général, le même jour à 7 heures du soir. Le 8 décembre, le maire d’Orléans prenait un arrêté renvoyant ces trois enfants à Janville en Eure-et-Loir, au motif qu’ils n’étaient ni d’Orléans ni du Loiret.[27] A l’opposé, Barthélemy Pallaud, âgé de 8 ans, abandonné sur la voie publique le 25 août 1835 fut définitivement admis, car né à Orléans. Sa mère, Marie Eugénie Pallaud était identifiée, vivant dans une indigence absolue à La Ferté-Saint-Aubin au dire du maire qui demandait son maintien dans le service.[28]

« Repérer » l’enfant abandonné et le signaler.

Dans ce chapitre, nous allons nous pencher sur « le repérage » des enfants abandonnés et leurs parcours avant d’être pris en charge par la charité publique. Nos renseignements sont peu nombreux, les arrêtés du maire écrits administratifs, obéissent à des règles de rédaction propres à ce type de texte, de fait ils sont rarement prolixes et se cantonnent aux éléments justifiants la décision. Néanmoins, il est possible d’en extraire quelques données.

« Vu le rapport de police en date … »

Dans la grande majoritaire des cas, c’est cette formule lapidaire « Vu le rapport de police en date … » qui signale l’existence d’un abandonné.[29] Sur certains arrêtés, on trouve aussi « Vu les renseignements qui nous sont parvenus sur la position de Félix Faucheux » dont les parents ont quitté Orléans le laissant seul. Qu’une grande partie des abandonnés soit repérée par la police lors de leur ronde n’a rien d’étonnant, en effet certains de ces enfants, surtout parmi les plus grands, sont en situation de vagabondage. Si Orléans était une grande ville, les agents de police avaient probablement une connaissance assez précise des familles de leur quartier et repérer un enfant inconnu en errance faisait partie de leur compétence.

Louis Bélanger : trouvé plusieurs fois dans la rue, Pierre Seldon : un séjour à la maison d’arrêt.

Louis Belanger, 8 ans originaire de Checy dont la mère est décédée et le père compagnon fendeur a disparu fut trouvé plusieurs fois à Orléans dans la rue et ramené à chaque fois à Cléry. On décida in fine, en 1818 de l’admettre provisoirement au titre des enfants abandonnés. [30] Le parcours de Pierre Seldon 10 ans et demi est encore plus dramatique, il fut trouvé en état de vagabondage et momentanément déposé à la maison d’arrêt. Cette enfant originaire de Lyon, exerçant le métier de savoyard, avait été « brutalement traité par son ancien maître » […] le corps de cet enfant est enflé et couvert de meurtrissures. » Traumatisé et paraissant « d’une intelligence très obtuse » l’enfant n’était guère en mesure de fournir plus d’éléments sur son passé.[31]

La police était aussi amenée à recueillir les observations des habitants du quartier, intrigués par la présence d’enfants inconnus, divagants. Dans des quartiers, où tout le monde se connaissait, un enfant livré à lui-même était probablement, assez vite repéré et signalé au commissariat.

L’action des curés et des dames patronnesses.

Avec la police intervenait un autre connaisseur du quartier, le curé. Nous avons trois exemples de ce type. En 1816, suite à la pétition du curé de Saint-Paul et des dames des pauvres, Etienne, 11 ans, Jacques Charles 6 ans et Louis Désiré 4 ans furent admis. Leur père Thomas Sébastien Mistolet, un garçon menuisier avait quitté Orléans laissant ses enfants entre les mains de sa seconde femme qui les abandonna à son tour. [32] En 1818, le prêtre de Sainte-Croix signala la situation des enfants Brochon, Augustin 7 jours et Joséphine 4 ans délaissés par leurs parents. [33] En 1824, le desservant de cette même paroisse intervint en faveur d’Adèle Félicité Virginie 8 ans, fille naturelle dont la mère était décédée et qui n’avait « aucun parent qui soit dans le cas pourvoir à son existence ».[34]

En 1851, la présidente de l’œuvre des dames patronnesses des pauvres de la paroisse de Saint-Paul demandait au préfet le placement Armance Renoir.[35] Il y a tout lieu de penser que l’action de ces personnes ne se limita pas à ces quelques exemples comme en témoignent les actions de Mlle Delaloge évoquées plus loin.

Des abandonnés « repérés » par des tiers.

La police n’était pas la seule à signaler la situation d’un enfant en détresse. Des particuliers se chargeaient parfois d’amener aux autorités, police, mairie, hôpital un enfant en situation d’abandon.  Ains en 1848, les trois enfants Plateau de 10, 6 et 3,5 ans furent envoyés à l’hôpital, accompagnés d’une lettre de M. Boudon-Vignat, un négociant qui signalait que « ces enfants n’avaient plus de mère, qu’ils avaient été abandonnés par leur père dans le plus affreux dénuement. » [36] . En 1833, une nommée Courtuis, remettait au commissaire Loyseau, « une jeune fille, paraissant âgée de 5 à 6 ans, assez proprement vêtue et qui avait été retirée de la crèche de l’hôpital général ; que l’état d’imbécillité de cet enfant » n’avait pas permis d’obtenir de renseignement sur sa situation. Il semble bien que cette jeune fille fût abandonnée deux fois. [37] Quant à Jean-Baptiste Richard âgé de 5 ans et demi, « laissé sur le pavé […] dans un dénuement complet » par la femme qui en avait la charge, son père étant hospitalisé, c’est le Docteur Lepage, médecin au service des aliénés de l’hôpital général qui le conduisit à l’hospice.  Pour ce dernier, le séjour fut peut-être de courte durée, car en questionnant cet enfant « fort intelligent » le personnel de l’hôpital apprit que son père était malade et hospitalisé à l’Hôtel-Dieu. Le père fut retrouvé grâce au registre d’admission, ému de savoir son fils à l’hôpital, il promit de le reprendre à sa sortie.  [38] Autre situation, Charles âgé de 3 ans fut trouvé dans les environs de l’hospice, ce sont « les voisins, par un sentiment d’humanité, en présence du froid rigoureux [qui l’] ont amené et déposé provisoirement à l’hôpital. » [39]

Des enfants recueillis provisoirement avant l’abandon.

Les drames de la vie qui touchaient les familles comme le décès du parent qui en avait la charge précipitaient les enfants dans des situations de grande précarité voire de danger. Il en était de même pour ceux se trouvant brutalement abandonnés par leurs parents. Pour quelques-uns la présence de membres de leur famille pouvait s’avérer un soutien, souvent provisoire. Pour d’autres la charité d’une personne tierce les éloignait pour un temps du placement à l’hôpital. Dans les deux cas, comme nous allons le voir à travers les exemples qui suivent, cette démarche charitable se heurtait à la réalité des conditions de vie des accueillants.

Des enfants recueillis par la famille.

Pour être pris en charge par sa famille, encore fallait-il que l’abandonné en ait une à Orléans. En effet, un grand nombre d’entre eux étant de père inconnu se trouvait amputé d’une de leur possibilité d’accueil. D’autre part, du fait le l’attrait économique d’Orléans, nombreux étaient les parents d’origine rurale, en particulier les femmes seules exerçant comme domestiques, qui se trouvaient privées de leurs proches restés dans leurs communes d’origine. Néanmoins, nous connaissons quelques cas d’enfants, qui avant d’être définitivement abandonnés, furent recueillis par des membres de leurs familles. Ainsi en 1835, Marie Dubois âgée de 8 ans vit sa mère mourir puis fut abandonnée par son père. Elle fut hébergée par sa grand-mère jusqu’à ce que cette dernière se trouva « dans l’impossibilité de continuer à lui donner des secours. » [40]  En 1826, Elisabeth Liger, 10 ans, dans la même situation, fut-elle aussi conduite à l’hôpital par « sa belle-mère   qui l’avait d’abord recueilli, étant dans l’impossibilité de subvenir à ses besoins. » [41] L‘année suivante, Michel Coudier, 6 ans orphelin de mère et abandonné par son père se retrouvait à la charge de sa jeune sœur qui elle-même ne pouvait « suffire à ses besoins. » [42]On ignore malheureusement l’âge de cette dernière, on peut néanmoins supposer qu’elle avait plus de 12 ans, ce qui empêchait qu’elle fût admise avec son frère à l’hôpital.

Des enfants recueillis par des tierces personnes.

Le cas le plus courant est celui où l’enfant était recueilli par des tierces personnes comme les voisins ou des amis des parents. Émus par la situation de l’enfant, ayant peut-être des liens affectifs avec lui ou mus par la solidarité de quartier ou la charité, ces personnes prenaient, initialement, en charge l’abandonné, avant de le confier par la suite par l’intermédiaire du commissaire de police à l’hôpital. En effet, ces individus, souvent dans une problématique économique semblable aux abandonneurs, ne pouvaient guère assumer cet accueil pendant très longtemps.

C’est le cas de cette voisine d’Estelle Doisneau âgée de 3 ans en 1821, car « elle même dans l’indigence » ou la veuve Sorciaux, n’avait pas « les moyens de garder et d’élever » Clarisse Marie Anne 4 ans et Auguste Louis 2 ans qu’elle a recueillis suite à la disparition de leurs parents.[43] Auguste Pamphile Mombon, enfant naturel, âgé de 10 ans, abandonné par sa mère   fut hébergé par le Sr Langlois, ouvrier cardeur avant que celui-ci se trouve dans l’impossibilité de le conserver. [44] Il en est de même pour l’admission en 1830 des deux enfants Thomas âgés de 8 et 10 ans, dont le père était décédé et abandonnés par leur mère, recueillis par la veuve Degas. Cette dernière « ne pouvant plus pourvoir à leur existence, attendu qu’elle est elle-même dans un état voisin de l’indigence par la suite du décès de son mari » [45].   Évoquons maintenant Marie Madeleine Joséphine, âgée de 8 ans, dont il ressort d’après son interrogatoire qu’elle était arrivée à Orléans avec une mendiante nommée Marie Louise. Recueillie par la demoiselle Julie Frinault, blanchisseuse du faubourg Madeleine, elle se présenta « à l’hôpital général pour se faire admettre dans cet établissement » d’après le rapport de la police. En la déshabillant, il fut trouvé un billet décrivant sa tenue et indiquant son prénom et son âge, probablement rédigé par la demoiselle Frinault.[46]

En général, on ignore combien de temps ces enfants restaient dans ces familles d’accueil. Il semble bien qu’il s’agisse de 2 ans pour Pierre Marie Adolphe Jaquinet dont la mère avait disparu lorsqu’il avait un an, il fut pris en charge par la femme Pallard qui elle aussi n’eut pas les moyens de le conserver.[47] En fait, nous ne connaissons pas les liens qui pouvaient unir les abandonnés et ceux qui leur venaient en aide. Dans le cas des enfants Brochon, déjà évoqués, le curé de Sainte-Croix précisait que « le sieur marchand chez qui ils sont actuellement leur est entièrement étranger et ne peut être contraint de les garder ». [48]

Déposé chez Mlle Delaloge, dame des pauvres de Saint-Donatien…

A la différence des enfants abandonnés recueillis pour une durée plus ou moins longue, ceux qui étaient déposés ne restaient que fort peu de temps chez les personnes qui les avaient réceptionnés. Notons que les arrêtés faisaient la distinction entre les deux situations. En 1824, on déposait chez Mlle Delaloge, dame des pauvres de Saint- Donatien, Marie Félicité Courant, 4 ans, fille naturelle dont la mère était décédée en 1822. Cette petite fille avait été recueillie par sa grand-mère. Au décès de cette dernière, elle fut portée chez Mlle Delaloge, identifiée par son statut de dame des pauvres comme personne-ressource.  [49] Cette demoiselle fut à nouveau sollicitée en 1829 en faveur de Julie Rioux, 7 ans délaissée depuis plusieurs années par sa mère, elle fut prise en en charge par son grand-père, mendiant jusqu’à la mort de ce dernier.[50] Le parcours de Charles Adrien Chevallier, âgé de 5 ans au moment de son admission mérite aussi d’être conté, il était le fils de Charles Vital Chevalier, scieur de long et de Anne Victoire Renault. Vers 1824, ce père, faute d’ouvrage, partit pour la capitale avec son épouse, laissant leur fils à sa belle-mère, la veuve Renaud revendeuse de gâteaux avec qu’il « n’a eu depuis aucune relation ». Trois ans plus tard, la veuve Renault étant « malade, alité et obligé de solliciter de la paroisse des secours pour elle-même ».Charles Adrien fut recueilli à titre gratuit et provisoirement par la demoiselle Louise Hanot, tenant les petites écoles rue d’Angleterre avant d’être reçu à l’hôpital général au titre des enfants abandonnés.[51]

En 1827, Agathe Rosalie Leroy, veuve de Joseph Placet, décédé depuis deux ans, en quittant Orléans avait laissé son fils François Joseph âgé d’un an « entre les mains de la fille Moreau ». Cette dernière au bout de six semaines se trouva dans l’incapacité de le garder plus longtemps.[52] La même année, le père de Rosalie Berouaut, âgée de 11 ans, un batteur en grange originaire de Cravant, présent à Orléans depuis deux ans l’avait laissée chez la veuve Milcent. Celle-ci, au bout d’un mois, déjà chargée de six enfants signalait la situation au commissariat.[53] Dans ces deux cas, nous avons affaire à des gens insérés dans le quartier, connaissant quelqu’un chez qui déposer l’enfant pour quelques jours. Avaient-ils prémédité l’abandon ? Le cas de Frédéric Delion, âgé de 4 jours, laisse perplexe. Cet enfant, né à Courtenay, à l’autre bout du département avait été nuitamment « déposé par des inconnus, entre les mains de Charles Jacquet, ouvrier confiseur … » [54]Ce dernier apporta l’enfant au commissariat central.  Quel rôle joua exactement Charles Jacquet dans cette histoire ? Fut-il payé pour amener l’enfant ?

La triste litanie de l’abandon.

Pour un grand nombre de situations, la même histoire semble se répéter : père ou mère décédé, deuxième parent disparu en abandonnant l’enfant comme Auguste Modeste Cartigny 8 ans dont la mère a quitté la ville le 15 juillet 1828 [55] ou la fratrie Dolean, 6 et 3 ans.[56] La situation inverse est aussi présente, Jules Miot, 8 ans dont la mère est décédée, est abandonné par son père,[57] ainsi que les trois enfants Guilloton, 3, 6 et 9 ans, ou Marguerite Constance Joséphine Guyomant. [58] Des enfants de père inconnu, laissés par leurs mères parties brusquement comme Joseph Foucault, 5 ans ou la fratrie Benard 11 et 4 ans. [59] Dans certains cas, l’abandon est le fait du couple comme Robichon Augustine, 8 ans en 1827,[60] ou Felix Faucheux 3 ans, « laissé dans l’abandon le plus total. »[61]L’abandon de Monique Bergent par ses parents légitimes [62] est mieux documenté. Alors que le couple était de passage à Orléans lorsque la femme en état avancé de sa grossesse obtint d’accoucher gratuitement à la maternité d’Orléans. Le couple quitta ensuite Orléans abandonnant leur nouveau-né probablement à la maternité sans que l’on sût où ils étaient et d’où ils venaient. Si des renseignements laissaient à penser qu’ils s’étaient dirigés vers Saumur chez une tante, l’administration de l’hôpital général était sceptique quant à son exactitude y voyant une ruse pour tromper les recherches. [63]

Contrairement à un nombre conséquent d’expositions dans le tour, pour lesquelles, nous connaissons les motivations du geste grâce aux billets, nous n’avons que peu d’éléments sur les raisons de la décision. L’indigence, la misère reviennent les plus souvent comme dans le cas d’Elisa, 5 ans, dont la mère, couturière « se trouvant elle-même dans l’état de détresse le plus absolu » était partie depuis 8 jours.[64]

Faut-il aussi prendre en considération, la profession du père nécessitant une certaine mobilité est dont la présence d’un jeune enfant entrave les déplacements. Charles Joseph Guyomant était scieur de long, Louis François Clause, batteur en grange.  Adolphe Desol, ouvrier plombier, abandonne sa fille de 7 mois, née à Paris et dont on présume que la mère était décédée, à Orléans alors qu’il se rendait à Bordeaux.[65]

La décision de l’abandon était douloureuse pour beaucoup de ces parents, on peut l’imaginer dans le cas de Sophie Moreau, une porteuse de hottes, domiciliée Cours aux Ânes, quittant Orléans où « elle ne trouvait plus de moyens d’existence. » Elle laisse Auguste, 6,5 ans l’aîné et emmène avec elle ses deux enfants les plus jeunes.[66] C’est vraisemblablement le même dilemme qui dut se poser à Reine Goujon, veuve d’Alexandre Herault, marinier, « qui s’est noyé à Sully par accident le 31 mars dernier ». En charge de quatre enfants « se trouvant dans la nécessité de s’éloigner de la ville pour chercher des moyens d’existence », elle, au contraire de Sophie Moreau, abandonna les deux plus jeunes Alexis Désiré 4 ans et Clément Eugène 1 an.[67]

Où se trouvaient tous ces enfants évoqués au moment de leur prise en charge ? Sur la voie publique, bien que cela ne soit pas mentionné dans les procès-verbaux. Vivotant dans le garni déserté par leurs parents, et ce depuis combien de temps ? Les trois enfants Mistoflet âgés de 4, 6 et 11 ans seraient restés seuls une semaine, l’aîné assurant peut-être le quotidien des deux plus jeunes. [68] Dans le cas des trois enfants Billard, 5, 3 et 1 an   il s’écoula cinq semaines entre le décès de leur mère et la date de l’arrêté.[69]  Où et comment trouvait-il de quoi se nourrir pendant ce temps ? Il est possible que la solidarité de voisinage se soit manifesté comme dans le cas les trois enfants Courbe, orphelins de mère et dont le père un ouvrier vidangeur a disparu depuis 15 jours ils « ne subsistent depuis longtems que de la charité des personnes du voisinage. » [70] On peut aussi envisager que les structures comme les bureaux des pauvres des paroisses, comme nous l’avons évoqué avec Mlle Delaloge, leur soient venus en aide.

Pour conclure ce chapitre, nous allons parler du cas d’Adélaïde Seguin, un exemple des traumatismes que pouvaient endurer ces enfants. Âgée de 8 ans, fille de Marie Seguin et d’un père inconnu, elle fut admise à l’Hôtel-Dieu pour y être traitée de la teigne en août 1843. A sa sortie de l’établissement, elle apprit que sa mère, qui s’était mariée avait « quitté Orléans, sans que l’on sache ce qu’elle est devenue ». Elle fut reçue à titre provisoire au titre des enfants abandonnés.[71] Nous ignorons combien de temps Adélaïde resta à l’hôpital général avant de retrouver sa mère. En effet, lors de son mariage, à 18 ans, elle était domiciliée à Baule chez sa mère et travaillait comme domestique à Orléans. Elle épousa Charles Joseph Linger, un jardinier de Saint-Jean-de-Braye de 31 ans en 1856.[72]

Les orphelins pauvres et les enfants de mères décédées à l’hôpital.

Les enfants orphelins représentent 13% des enfants abandonnés admis à l’hôpital général entre 1807 et 1837 par un arrêté du maire d’Orléans. Précisons qu’il s’agit de l’analyse de leur situation, car dans plusieurs arrêtés c’est le terme abandonné qui est retenu et non celui d’orphelin.[73] La formule administrative la plus courante, dans cette version ou une autre approchante, figurant dans les procès-verbaux est la suivante : « l’enfant dont il s’agit se trouve sans aucun appui et qu’il n’est pas encore en âge de travailler. » C’est par exemple le cas des enfants Delepine âgés de 7 et 9 ans en 1836.[74] Néanmoins, quelques arrêtés nous permettent de cerner un peu la réalité des situations vécues par ces enfants. La situation la plus fréquente était la suivante, le décès du parent survivant, le plus souvent dans la précarité voire la misère, conjuguée à l’absence de soutien familial entraînait l’admission des enfants au titre d’orphelins ou d’abandonnés. Ainsi, en 1817, furent admis les cinq enfants âgés de 23 [75] à 4 ans de Claude Couvret, jardinier mort à Saint-Ay « dans la plus grande misère ». [76]Pour plusieurs enfants, l’admission était consécutive au décès à l’Hôtel-Dieu ou la maternité de leur mère.  Nous avons évoqué le cas des enfants Moutardier au début de notre contribution. Nous avons repéré 17 cas de ce type, sans garantie d’exhaustivité, provenant soit des arrêtés du maire soit des registres de correspondance. Le tableau ci-dessous les recense.

Nom enfant

Age

Mères décédées

Père - situation

Remarques

Sources

Pierre Mathieu, 12,5 ans

Jean, 9 ans Louis Dominique, 7 ans

Marie Jeanne Chinard

 

Chopin François, colporteur.

Abandon depuis 4 ans

Mère sans domicile fixe, originaire de Pont-à-Mousson

A.M.O 2D1 Arrêté du maire d’Orléans, 9/4/1817

Victorine, 6 ans

Elisabeth Joséphine 2 ans et  5 mois

Marie Françoise Arnaud

Moutardier Pascal, maréchal, 31 ans décédé depuis 2 mois

Trois autres enfants recueillis dans la famille

A.M.O 2D2 Arrêté du maire d’Orléans, 20/10/1818

Victoire Rose Coeline, 6 ans

Victoire Rose Perthuis, lingère

Inconnu

 

A.M.O 2D2 Arrêté du maire d’Orléans, 12/9/1825

Cordier Michel, 6 ans

Marie Madeleine Batié, lingère, 50 ans

Antoine Cordier, terrassier

 

Abandon de l’enfant après le décès de sa mère ?

A.M.O 2D2 Arrêté du maire d’Orléans, 17/7/1827.

Noël, 6 ans

René, 9 ans

Marie Noyau

René Gérard, décédé

Originaire Loir-et-Cher, retour département d’origine envisagé

A.M.O 2D1 Arrêté du maire d’Orléans, 26/8/1818

Charles Alfred, 6 ans

Claire Zélie 9 ans

Geneviève Lecoeur

Pierre Vautier décédé

 

A.M.O 2D3 Arrêté du maire d’Orléans, 15/9/1831

Jules, 7 ans et demi

Cordonnier Angélique

Inconnu

 

A.D 45 2 L 9 registre de correspondance active de l’hôpital général, 10/1/1838

Deux enfants

Thoret

Inconnu

Originaire de Rebréchien.

Mère entrée à Hôtel-Dieu avec ses enfants.

A.D 45 2 L 9 registre de correspondance active de l’hôpital général, 29/12/1839

Edmond

Marie Vincent

Alexandre Charion, charpentier, décédé.

 

A.D 45 2 L 9 registre de correspondance active de l’hôpital général, 31/12/1847

Mélanie, 6 ans

Louise, 4 ans

Femme Darmory

Darmory, journalier décédé

Mère entrée à Hôtel-Dieu avec ses enfants

A.D 45 2 L 12 registre de correspondance active de l’hôpital général, 29/4/1850

Henry, 5 ans

Milcent Lucile, couturière

Inconnu

Mère entrée à Hôtel-Dieu avec son enfant

A.D 45 2 L 12 registre de correspondance active de l’hôpital général, 9/7/1850

Victor Célestin, 12 jours

Celestine Lesage, domestique Chilleurs, 24 ans

Inconnu

« Enfant étant sans famille et sans asile »

Grands-parents maternels décédés.

A.D 45 2 L 12 registre de correspondance active de l’hôpital général, 15/2/1853

Charles

Barryer Adéle Céleste domestique, 21 ans

Inconnu

 

A.D 45 2 L 12 registre de correspondance active de l’hôpital général, 19/2/1853

Thays Flavie

Anne Adélaïde Aveline

Lanternat Jean-Pierre, Cloutier, disparu «  On ignore ce qu’il est devenu et s’il existe encore »

L’enfant possède un grand père qui n’est pas en mesure, d’après l’hôpital, de le prendre en charge.

A.D 45 2 L 12 registre de correspondance active de l’hôpital général, 17/2/1853

Lucien, nouveau-né

Marie Pinot, 20 ans lingère

Inconnu

 

A.D 45 2 L 12 registre de correspondance active de l’hôpital général, 23/3/1853

Jacques Augustin Lucas 2,5 ans

Françoise Bourguignon

Jean Lucas, maçon

(Loir-et Cher)

Accompagnait sa mère, retour à l’hospice de Blois demandé.

A.D 45 2 L 12 registre de correspondance active de l’hôpital général, 6/3/1854

Charles, 2 mois et demi

Armande Caroline Belouet

Inconnu

Mère admise à l’hôtel-Dieu avec son fils qu’elle allaitait.

A.D 45 2 L 12 registre de correspondance active de l’hôpital général, 8/6/1854

Exemples d’enfants dont les mères sont décédées à l’hôpital ou à la maternité d’après les arrêtés du maire ou les registres de correspondance. (1817-1854).

 

Quelques remarques se dégagent de ce recensement, la première concerne la situation familiale des enfants. Dans 8 cas, ils sont de pères inconnus, 2 autres ont disparu, délaissant mère et enfant. Cinq se retrouvent orphelins, leur mère étant veuve à leur entrée à l’hôtel-Dieu. Trois de ces mères décèdent à la maternité des suites de leur accouchement. Dans au moins six cas, les enfants admis avec leur mère dans le service hospitalier, de ce fait, ils passèrent directement de la salle des malades au service des enfants abandonnés. Le cas d’Armande Coralie Belouet est le mieux documenté, en mai 1854, elle entra à l’hôtel-Dieu pour se faire soigner avec son fils Charles, son fils âgé de 2 mois et demi qu’elle allaitait. L’état de santé de sa mère l’exigeant, l’enfant fut reçu à la crèche et confié à une des nourrices sédentaires. Le décès de sa mère peu de temps après transforma cette admission provisoire en définitive.[77]

N’ayant aucune autre famille connue, le placement s’imposait. Les arrêtés concernant ces situations sont, en général, assez laconiques. Néanmoins, dans le cas des 3 enfants Chopin : Pierre Mathieu, 12 ans et demi né Orléans, Jean, 9 ans né à Sablé et Louis Dominique 7 ans né à Chinon, il est possible d’en savoir un peu plus. Leur mère Marie Jeanne Chinard était native de Pont-à-Mousson, leur père François Chopin, colporteur de Nancy. Il avait abandonné son épouse depuis 4 ans lorsque cette dernière sans domicile fixe mourut à Hôtel-Dieu d’Orléans.[78]  Victor Célestin Lesage, fils d’une domestique de Chilleurs, décédée à la maternité peu après son accouchement et d’un père inconnu, et dont les grands-parents étaient aussi morts, intégra la crèche à l’âge de 12 jours.[79]

Comme le pointe la formulation énoncée ci-dessus, l’existence d’une solution familiale pouvait atténuer la détresse de l’orphelin. Dans certains cas, elle existait, mais elle s’avérait impossible à mettre en œuvre. Ainsi, pour Marie Léonide, 11 ans en 1831, son frère était « hors d’état de lui assurer des moyens d’existence ».[80] Le fait qu’elle fut diagnostiquée « idiote » ne simplifiait pas les choses. Marie Thiercelin, 9 ans, « n’avait pas d’autre parent qu’une tante Marie Couvert admise à l’hôpital comme pauvre. »[81]Pour Hortense Balmette 7 ans en 1821 « aucun de ses parents, tous indigents n’était dans le cas de la nourrir ni vêtir » [82]

Si l’accueil chez un membre de la famille pouvait se faire, force est de constater que la solution ne faisait que retarder l’échéance de l’admission. En effet, l’accueil était souvent le fait d’aïeul dont l’âge et la santé limitaient la durée de la prise en charge. Sophie Gadeau fut admise à la crèche en 1830, lorsque son grand-père entra à l‘Hôtel-Dieu. [83] Le décès de celui d’Etienne Blanchai provoqua son entrée à l’hospice. Notons d’ailleurs qu’il s’écoula trois mois entre le décès et l’arrêté d’admission. On ignore où l’enfant les passa.[84]  L’existence d’une famille plus solide n’était pas toujours une garantie pour éviter l’admission comme en témoigne le cas des cinq enfants Moutardier, déjà évoqués. Deux d’entre eux Victorine 6 ans et Elisabeth 2 ans et demi qui avaient accompagné leur mère à l’Hôtel-Dieu où elle mourut, furent admis l’hôpital alors que les trois continuèrent d’être pris en charge par la famille des parents défunts. Au traumatisme du placement s’ajoutait la séparation de la fratrie.[85]

Le même constat peut être fait avec Constance Thiercelin 9 ans et son frère Louis Pascal 7 ans, en 1851, ces deux enfants étaient en traitement à l’Hôtel-Dieu où ils étaient entrés avec leur mère Cécile Beulin, journalière veuve de 42 ans, habitant Ardon. Le décès de cette dernière laissait ces deux enfants orphelins « sans ressources, leurs parents ne voul[ant] pas les recevoir ». [86]  Dans le cas de Tays Flavie Lanternat,[87] l’existence d’un grand père ne lui permit pas d’éviter de rejoindre la crèche de l’hôpital car l’administration hospitalière émettait de sérieuses réserves sur la possibilité de lui remettre l’enfant. En effet : « l’aïeul maternel pierre aveline est dans la plus profonde misère et dans l’impossibilité de recueillir cet enfant ; il consentirait même à le recevoir que nous hésiterions à le lui confier dans la crainte ou plutôt par la certitude qu’il y serait mal placé et qu’il ne pourrait pas y recevoir les soins que sa jeunesse et son état réclament » [88]

Nous conclurons ce chapitre sur une note plus positive, tous les enfants ne se retrouvaient pas obligatoirement dans le service des abandonnés. En témoigne, le cas des enfants Paturence de Pithiviers, un courrier de l’hôpital général nous apprend que « les deux orphelins restent chez les personnes charitables qui les ont recueillis provisoirement et ils recevront la pension accordée aux nourrices. »[89].Pour les enfants, outre trouver une famille d’accueil, c’était aussi l’avantage de ne pas voir la fratrie être séparée, pour l’hôpital, cette solution était financièrement plus intéressante.

 

Des enfants placés : « Vu les renseignements qui lui sont parvenus et d’où il résulte que … »

Dans une dizaine de cas, nous constatons que des arrêtés font état d’admission alors que l’enfant vit avec l’un de ses parents. Les autorités averties de leur situation familiale estimaient qu’il était nécessaire de les retirer de leur famille. Sans tomber dans l’anachronisme on peut comparer cette démarche à notre moderne ordonnance de placement prononcé par un juge lorsqu’à la suite d’un rapport des services sociaux, il s’avère que l’enfant est en danger moralement ou physiquement. La formule administrative que l’on rencontre est la suivante : « Vu les renseignements qui lui sont parvenus et d’où il résulte que … » Il est dommage que nous ne connaissions pas l’origine de ces renseignements, on peut imaginer qu’ils proviennent de la police, des curés ou des membres de bureaux des pauvres ou tout simplement de voisins. La situation la plus fréquente peut se résumer ainsi : le père décédé ou disparu voire inconnu et une mère dans l’incapacité d’assurer le minimum vital à sa progéniture amenait les autorités municipales à demander le placement pour sauvegarder l’enfant comme en témoigne le document ci-dessous.

A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 31/1/1826. Placement d’André Guérin, 6 ans.

Les attendus justifiant le placement ont tous la même connotation, la misère, l’incapacité pour le parent en charge de l’enfant d’assumer son existence. Pour Lucien Giroud, 5 ans, « sa mère est dans plus grande misère ». [90] Dans le cas des enfants Cartigny, le décès du père à Paris laisse sa veuve, « n’ayant ni fortune ni aucune ressource » avec 8 enfants en bas-âge. Les trois plus jeunes âgés de 11, 10 et 6 ans furent placés,[91] séparant la fratrie. En 1817, Pierre Hector Chesnault, journalier du faubourg Saint Vincent, « qui depuis longtemps est plongé dans la plus grande misère » quitte Orléans, laissant sa femme avec trois enfants de 11, 7 et 5 ans. Cette dernière n’étant pas en mesure de subvenir à leurs besoins, ils furent reçus à l’hôpital général.[92]

Nous terminerons cette évocation avec Victoire Octavie Loyauté à sept ans, cet enfant perdit son père écrasé par une voiture. Sa mère domestique n’ayant que ses gages pour vivre, sa grand-mère maternelle la prit en charge pendant plusieurs années jusqu’au jour où cette dernière, âgée, infirme et faisant partie des indigents recevant des secours de la paroisse Saint-Pierre-de-Puellier ne puisse plus s’en occuper. A 10 ans, Victoire Octavie fut admise à l’hôpital général. [93]

Notons au passage que ce cas illustre aussi le statut de toutes ces femmes domestiques filles-mères selon la terminologie de l’époque, qui, par leur situation professionnelle, ne pouvait garder leur enfant sur leur lieu de travail et encore moins le donner en nourrice faute de ressources suffisantes. On retrouve ce type de circonstances dans les billets accompagnant les enfants déposés dans le tour de l’hospice d’Orléans.

Nourrices non payées.

Le 28 mai 1807, Marie Anne Sallé, Veuve d’Alexis Debray adressait une pétition au maire d’Orléans résumée en ces termes :« le 11 février dernier, deux personnes a elle inconnue se disant Mari et femme […] et tous deux de Marseille, lui ont laissé un enfant d’environ deux ans de sexe masculin […] avec la promesse de lui payer 15 F par mois pour sa nourriture et d’en acquitter dans les trois jours du premier mois d’avance, que depuis ce tems ils ont disparu sans qu’elle ait pu découvrir leur demeure, ni ce qu’ils était devenus ».Ne pouvant garder l’enfant sans être défrayée au moins de sa nourriture, elle demandait qu’il fût reçu à l’hôpital général.[94] Les déboires de Marie Anne Sallé témoignent, avec quelques détails, du processus qui conduit des enfants à être admis comme abandonnés. Une nourrice prend en charge un enfant dont elle ne connaît pas les parents contre la promesse d’une rétribution dont une avance est parfois versée.[95] Au bout d’un certain temps elle constate qu’elle ne reçoit rien et ignore ce que sont devenus les parents. Elle finit par demander l’admission de l’enfant, ne pouvant l’assumer. Le document ci-dessous, plus laconique est aussi un bon exemple de ce type de situation.

 A.M.O 2D 3 Arrêté du maire d’Orléans, 24 juin 1831.

Nous avons aussi rencontré cette justification sur des billets d’enfants exposés dans le tour, en particulier à propos de petits Parisiens, mis en nourrice à Orléans.

A la lecture de ces situations, on peut se demander si la mise en nourrice ne relevait pas d’un abandon déguisé, les parents sachant pertinemment qu’ils ne reviendraient jamais récupérer l’enfant et qu’in fine la nourrice, en l’absence de paiement, demandera son admission au service des abandonnés. En poussant, un peu plus loin la suspicion, faut-il envisager une complicité de ces dernières ?

Bien sûr, on ne peut pas écarter la bonne foi des parents, qui pris dans des difficultés de tout ordre, ne sont plus en mesure de régler les mois de nourrice ou de reprendre leur enfant.

On peut aussi être étonné par le fait que ces nourrices, bien qu’ayant besoin d’argent, prennent en charge des enfants dont elle ignorait tout, comme ces parents se disant de Marseille ou comme Victorine Cuvet « voyageant avec un saltimbanque » qui laissa une jeune fille nommée Marie Louise Marchand âgée de 4 ans en octobre 1822. La nourrice la gardera près d’un an avant de demander son admission en juin 1833. [96]

Situations des parents au moment de l’abandon.

Les arrêtés du maire d’Orléans nous permettent de connaître la situation des parents des enfants que nous avons évoqués. Cette étude porte sur 171 familles concernant d’une part les cas étudiés dans cette contribution, mais aussi deux autres problématiques qui seront abordées dans un article indépendant à savoir les parents en incarcérés ou hospitalisés.

Des pères inconnus, « disparus » décédés.

Le graphique ci-dessus permet de visualiser la situation des pères au moment de l’abandon. Dans un tiers des cas, ils ont été déclarés inconnus à la naissance de l’enfant. Un second tiers concerne ceux qui a un moment donné ont disparu, c’est-à-dire qu’ils ont quitté le domicile conjugal sans que l’on sache où ils sont, abandonnant femme et enfant. Dans un quart des situations, les pères sont décédés enfin 6 % sont en prison.

 Des mères décédées, « disparues », en prison.

La situation des mères présente des points communs avec celles des pères et une différence notable. Là aussi, la mort fait des ravages, un tiers d’entre elles sont décédées, près d’un quart ont disparu en laissant leurs enfants. La grande différence réside dans la proportion de femmes se trouvant en prison, près d’un tiers.

 

 

Si l’on s’intéresse maintenant à la situation des père et mère, parmi toutes les combinaisons possibles, quelques constats se dégagent : dans 15 % des cas le père est inconnu et la mère en prison, dans 12 % , les deux parents sont décédés, dans 8,1 % le père a disparu et la mère est décédée et dans 7,5 % les deux parents ont disparu en abandonnant l’enfant.

Le décès d’un des membres du couple, qu’il s’agisse de l’homme privant en général le ménage de ressources ou de la mère laissant le père démuni face à la gestion de jeunes enfants, plonge le reste la famille dans la misère provoquant des décisions dramatiques pour les enfants. On peut être surpris du grand nombre de parents qui « disparaissent ». Confrontés aux difficultés économiques insurmontables, l’abandon leur apparaît comme la seule solution. Les enfants, souvent trop âgés pour être déposés dans le tour sont ainsi laissés dans la rue ou le garni avec l’espoir qu’ils seront recueillis ou mis chez une nourrice que sait ne pouvoir payer. Disparaître, c’est aussi penser trouver une vie meilleure ailleurs sans être encombré de jeunes enfants.

Le devenir des enfants.

Une fois admis dans le service des enfants trouvés et abandonnés, le parcours de l’ensemble de ces enfants était le même que ceux exposés dans le tour. Ils étaient rapidement mis en nourrice à la campagne. A plus ou moins longue échéance, leur devenir se déclinait en quelques options : le décès en nourrice ou à l’hospice des enfants abandonnés, la remise à un membre de la famille venu le réclamer, de longues années en garde avant d’être placés en apprentissage. Le « registre servant à inscrire les noms des enfans revenus de nourrices », que nous avons évoqué précédemment, nous renseigne sur le devenir de certains d’entre eux. Outre les renseignements déjà pointés, il est noté si l’enfant retourna en nourrice et éventuellement y décéda, s’il fut remis à sa mère ou mourut à l’hôpital.  Il y a tout lieu de penser que nos données sont incomplètes. Néanmoins, le tableau ci-dessous nous éclaire, à titre d’exemple sur le devenir de 18 abandonnés. On constate que 16 sont décédés jeunes soit à l’hôpital soit en nourrice, seuls six retrouvèrent leur famille.

 

Nom, prénom de l’enfant abandonné.

Age à l’abandon.

Remis à sa famille, délai.

Age lors du décès à l’hôpital.

Age lors du décès en nourrice.

Choux Agnés

2 jours

9 mois

 

 

Chaux François Désiré

?

Oui

 

 

Cobin Laurent

2 ans

 

3 ans

 

Germaine Suzanne

3 ans

1 an avec son frère Pierre

 

 

Brault Marie

Nouveau-né

 

 

12 jours

Lutton Louise

?

 

11 mois

 

Pouparouin Marie Catherine Désirée

2 ans

3 mois

 

 

Toussaint Barthélémy Eugénie

13 mois

 

 

20 jours

Guyard Louise Victorine

2,5 ans

 

 

18 jours

Lemaire Marie Elisabeth

2 mois

4 mois

 

 

Suard Marie Augustine

5 semaines

 

2 ans et demi

 

Marion Joseph

1 an

 

1,5 an

 

Cornu Adolphe

3 mois

 

6 mois

 

Beauregard Louis

20 jours

 

2 mois et demi

 

Janny Pauline

1 an

 

 

1 an 4 mois

Taffoureau François Louis François Albert

2 ans

 

 

5 mois

Faiseau Edme Richard

5 semaines

5 mois

 

 

Guérin Marie

1 an

 

3 ans 3 mois

 

Habert Joseph

2 mois et demi

1 an et demi

 

 

Desol Alexandrine Louise

?

5 ans

 

 

Crochet Blanche

9 mois

6 mois

 

 

Bidault Germain

?

2 ans 2 mois

 

 

Devenir de quelques enfants abandonnés d’aprèsleregistre servant à inscrire les noms des enfans revenus de nourrices, entre 1836 et 1856 A.D 45, 1 Q 811.

Les documents, provenant du registre 1Q 811, reproduits ci-dessous illustrent les trois situations.

 

 

Au-delà de ces quelques données, il est difficile de savoir dans quelle proportion ces enfants retrouvèrent une famille, la mort fut pour beaucoup leur triste sort. Néanmoins, quelques données concernant la fin de notre étude sont présentées dans le tableau ci-dessous. Là encore, elles doivent être prises avec précautions, du fait de leur caractère partiel.

 

Années

Décédés

A l’hospice

A la campagne

Retirés par les parents ou bienfaiteurs

Sortis par effet de l’âge ou secours temporaires

Radiés

définitivement

1847

21

13

8

21

5

47

1851

3

1

2

13

10

28

1852

5

4

1

15

9

29

1853

9

7

2

14

8

31

1854

12

9

3

6

6

24

1855

17

13

4

20

8

45

1856

2

1

1

18

11

31

Motifs des radiations des enfants admis au titre d’abandonnés au cours de l’année indiquée. Sources : AD 45 53 PO année, tableaux statistiques annexés aux délibérations du Conseil général de l’année indiquée.

Histoires d’abandon.

Dans ce chapitre et pour conclure, nous souhaitons présenter le vécu de quelques enfants pour lesquels nous disposons de plus d’éléments.

Julie Berger : un parcours chaotique.

Julie Berger naît à Orléans le 20 novembre 1838, fille de Julie Berger, 19 ans, tailleuse de limes originaire de Tours et vivant à Orléans et d’un père inconnu. Il semble bien qu’elle fût exposée à une date que nous ignorons, peut-être sous un autre nom ou anonymement, car le courrier de l’hôpital détaillant sa situation fait état d’une remise à sa mère le 11 mars 1842, soit à trois ans et demi. Cette dernière la place chez ses parents à Tours puis Ravaux dans la Nièvre. A un moment donné l’enfant fut recueilli par une personne de cette commune qui, en 1848, ne pouvant « plus la conserver, à cause de son dénuement et de sa misère » et à la demande du maire de Ravaux la ramena à l’hôpital d’Orléans qui refusa de l’admettre et engagea cette femme à se présenter devant le préfet du Loiret, seul habilité à statuer sur le sort de Julie. Le 17 novembre, l’enfant est amené à l’hôpital par un agent de police sur ordre du maire d’Orléans. Il semble bien que la femme en question allât plaider, volontairement ou par erreur, sa cause à la mairie. L’établissement consentit à accueillir provisoirement l’enfant tout en ayant l’intention de pouvoir la rediriger vers l’hospice de Nevers. A cette date, Julie a 10 ans, on ignore où est sa mère et personne ne veut d’elle. L’hôpital d’Orléans considère que bien que née à Orléans, elle a vécu cinq ans à Ravaux qui est donc son domicile de secours selon l’expression de l’époque. Le maire de Ravaux estime que venue au monde à Orléans et ayant déjà séjourné à l’hôpital général, la place de Julie se trouve à Orléans. Apportons ici, une précision, l’administration hospitalière confrontée à l’encombrement du service et par conséquent à son poids financier vérifiait toujours si l’enfant abandonné devait bien être accueilli dans l’établissement orléanais. Parmi les règles administratives, l’origine géographique était un des critères les plus souvent mis en avant pour ne pas admettre un enfant définitivement et tenter de le renvoyer dans son département d’origine. [97]  Ainsi en 1808, la veuve Pierre Labrouille, mendiante, domiciliée en Eure-et-Loir arrivée à Orléans avec ses quatre enfants en déposa 3 âgés de 6, 4 et 2 ans à la porte de l’hôpital, le jour même à 7 heures du soir. Le lendemain, le maire d’Orléans prenait un arrêté les renvoyant à Janville (28). [98]

Ce point précisé, revenons à Julie, nous savons qu’elle resta dans le Loiret, en effet, des recherches sur Geneanet[99] nous ont permis d’éclairer la suite de sa vie. Elle fut placée comme domestique, probablement à Chécy, car c’est dans cette commune, en 1868, qu’elle épousa, à 29 ans Louis Donatien Beltoise, un vigneron de 45 ans.[100] Notons qu’il fut établi un contrat de mariage et que Julie ne savait pas signer. Son enfance mouvementée ne lui permit pas d’aller à l’école ou alors de façon épisodique. Cette union sera de courte durée, en 1871, son mari décéda.[101] Julie se remarie à 34 ans, en 1873 avec Louis Grezanlé, âgé de 29 ans, un berger de Chécy. [102] Nous ignorons si elle eut des enfants, elle meurt en 1891 à 51 ans à l’hospice d’Orléans.[103]

Julien Désiré : nouveau-né abandonné dans un champ de blé.

En juin 1848, Louise Dufour, 49 ans épouse de Jean Martin un vigneron et Véronique Jomat, 52 ans femme de Pierre Lacheron, cultivateur, vivant à Ferrières-en-Gâtinais, accompagnées de la fille de cette dernière, vers quatre heures de l’après-midi entrèrent dans une pièce de blé  de mars «  après avoir parcouru ce sentier pendant vingt-quatre à vingt mètres elles ont entendu des vagissements d’enfant quelles ne savaient pas distinguer : qu’ayant écarté le grain assez levé la femme Martin vit alors un enfant de sexe masculin entièrement nu couvert de sang situé sur sa peau, attachée à la terre par quatre épis de grain croisé sur son cou noué ensemble derrière son cou. » Les trois femmes recueillirent l’enfant qu’elles portèrent chez M. Boucet, docteur en médecine à Ferrières. Le maire, à qui nous devons ce récit, se déplaça en compagnie des déclarantes chez le médecin. L’enfant fut « reconnu comme étant de sexe masculin paraissent de ce jour sans marque sur le corps » Il l’inscrivit sur le registre d’état civil sous le nom de Jules Désiré et ordonna qu’il soit remis à la veuve Harrault préposée à l’hospice de Ferrières.[104] Le lendemain, une jeune femme Henriette Lambert, âgée de 22, domestique à la Ferrières chez le sieur Richard, cultivateur se présenta à l’hospice et déclara « quelle se reconnaissait pour mère de l’enfant. »[105]Cette histoire nous est connue, car le surlendemain, Jules Désiré fut exposé à 5 heures 30 du matin dans le tour de l’hôpital d’Orléans. Nous reproduisons ci-dessous, un extrait du procès-verbal d’exposition décrivant sa vêture, qualifiée de vieille et se situant dans les standards habituels.

A.M.O, registre d’état civil des naissances d’Orléans, 1848 2 eme registre n° 310.

L’enfant était porteur d’un certificat du maire donnant la date de naissance de l’enfant, le nom de la mère en précisant qu’elle était très indigente et d’une attestation du desservant de La Ferrière précisant que l’enfant avait été baptisé. Si l’on peut tenir pour probable qu’Henriette Lambert accoucha dans le champ de blé et qu’elle laissa l’enfant là, plusieurs questions restent en suspens, sommes-nous en présence d’une tentative d’infanticide ? La jeune femme avait-elle l’intention de revenir chercher son enfant ? Sa situation économique et le fait que l’enfant fut exposé pourraient plaider pour une solution extrême. Enfin, on peut se demander qui emmena l’enfant à Orléans. Il est peu probable que ce fut sa mère, le maire eut sans doute un rôle important dans l’organisation du dépôt, comme trouver une personne pour aller à Orléans, car Ferrières-en-Gâtinais se trouve à près de 100 kilomètres du chef-lieu du Loiret.[106] Le séjour de Louis Désiré dans le service des enfants trouvés et abandonnés fut de courte durée, car il décéda 5 jours après son admission.[107]

Chrystine Bourbon : de Gien à Orléans.[108]

Lorsque Chrystine Bourdon intègre provisoirement l’hôpital d’Orléans, elle est âgée de 13 ans et elle a derrière elle une vie bien compliquée. A l’origine, elle appartient à l’hospice de Gien, on ignore quand et comment elle l’a rejoint, déposé dans le tour ? Abandonnée sur la voie publique ? On sait qu'elle fut placée chez la femme Pichard à Dampierre « qui l’aurait rendu à l’hospice pour cause de mauvaise santé le 3 avril 1840 où elle reste dans « la salle de service » jusqu’au 7. Ce jour-là elle embarqua sur un bateau à vapeur pour rejoindre Orléans, accompagnée du sieur Gabriel, jardinier de l’hospice de Gien qui avait pour mission de la remettre à l’hôpital. Ce dernier arrivé à destination, « a profité de l’obscurité de la nuit pour proposer à une personne qui se trouvait là de conduire la fille Bourdon à l’hôpital moyennant 10 c de récompense. » Nous ignorons où fut précisément trouvée la jeune fille, les renseignements figurant dans cette lettre de l’administration hospitalière au préfet du Loiret proviennent d’un rapport du commissaire de police Loiseau. Si c’est lui qui a interrogé Chrystine cela voudrait dire qu’elle a été trouvée dans la rue ou devant l’hôpital ? Sur la copie de cette lettre figure un paragraphe rayé, sa teneur est la suivante, « Cette orpheline dit avoir été placée dans la salle de service par la sœur Eulalie ; laquelle aurait dit à l’enfant, au moment de son départ qu’il allait rejoindre sa mère. » Nous ignorons ce qu’il advient de cette jeune fille, elle fut probablement placée en apprentissage ou renvoyée à l’hospice de Gien dont elle dépendait. Les modalités qui furent, qualifiées « de circonstances d’abandon aussi coupable », choquèrent l’administration hospitalière demanda que cela soit vérifié et dénoncé si besoin.

Albin François et Constance Angot, abandonnés plusieurs fois.

L’existence d’Albin François et Constance Angot fut ponctuée de va-et-vient entre le domicile de leurs parents et le service des enfants abandonnés. Albin naquit vers 1824 soi-disant à Marigny-les-Usages d’après son acte de décès,[109] Constance en décembre 1826. A cette date, leur père Jean-Baptiste Angot était âgé de 26 ans, leur mère Marie Adélaïde Boucheron de 23 ans.[110] En 1828, à 21 mois Constance fut exposée au tour d’Orléans, le billet qui l’accompagnait précisait le nom de ses parents et qu’elle était légitime.[111] 20 jours plus tard, elle était reprise par ses parents.

 

A.M.O, 3Q 5 État des enfants exposés et « réclamés par leurs auteurs » 27/9/1828. Constance Angot.

Ici, on peut avancer deux hypothèses, soit il s’agit d’un abandon de « convenance » les parents ayant un déplacement à effectuer ont déposé l’enfant la plus jeune, en ayant l’intention de le reprendre quelque temps après, l’hôpital faisant office de mode garde. Nous avons rencontré d’autres situations où des enfants sont rapidement repris, nous amenant à envisager cette possibilité sans pour autant pouvoir le confirmer. L’autre possibilité est que l’administration de l’hôpital ait fait pression sur le couple pour qu’il reprenne l’enfant.

En 1829, ce sont les deux enfants sont cette fois-ci abandonnés sur la voie publique, Albin François a 5 ans et Constance deux ans.[112] Ils seront rendus à leurs parents à une date inconnue. En 1830, le père Jean-Baptiste Angot décède, [113] sa veuve abandonne à nouveau les deux enfants en juillet 1831. [114] Six mois plus tard, Albin François décédera à l’hôpital à l’âge de 7 ans.[115]



[1] A.M.O, présentation des arrêtés par le service des archives municipales.

[2] Au-delà de cette année, nous n’en n’avons plus repéré, l’admission provisoire ou définitive devenant une prérogative du préfet.

[3] Décret impérial concernant les enfans trouvés ou abandonnés, et les orphelins pauvres. 19 janvier 1811, 4  Bull. 346, n° 6478. Source : Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlemens, avis du Conseil d’État – J-B  Duvergier – Paris - 1836

[4] « Les enfans trouvés sont ceux qui, nés de pères et mères inconnus, ont été trouvés exposés dans un lieu quelconque, ou portés dans les hospices destinés à les recevoir. » Décret impérial du 19 janvier 1811.

[5] A.M.O, 2D 2, arrêté du maire d’Orléans 20 octobre 1818 pour le développement de ce paragraphe.

[6] A.M.O, 2D 2, arrêté du maire d’Orléans 26 août 1818 pour le développement de ce paragraphe.

[7] Les autres renseignements figurant dans le document ne concernent pas notre propos, ils feront l’objet d’une étude ultérieure.

[8] A.D 45, 3L1 Situation de l’établissement. Comptes moraux 1838-1843, 1845-1849.

[9] Nous disposons de données pour 1806, 1807, 1808, 1809, respectivement 26, 21, 15, 11 in AD 45 45 1 L 17 Rapport de la commission administrative 29 juin 1810.

[10] AD 45 1L 17 Registre des délibérations de la commission administrative de l’hôpital d’Orléans, 1810.

[11] AD 45 1L 18 Registre des délibérations de la commission administrative de l’hôpital d’Orléans, 21/7/1817.

[12] Le Boulanger, Isabelle, L’abandon d’enfants. L’exemple des Côtes-du-Nord au XIXe siècle. Presses universitaires de Rennes, 2011 p. 46-47 pour ce développement.

[13] Ibid.

[14] Concernant les sources pour les chapitres qui suivent, nous renvoyons aux côtes figurant dans le tableau.

[15] A.M.O 3 Q 5. Procès-verbal d’exposition du 27 brumaire an 13, pour l’ensemble de ce chapitre.

[16] A.D 45, 1Q 810 Crèche des hospices – enfants placés en nourrice : enregistrement (1 reg.) (1806-1813). 2 frimaire an 13.

[17] A.M.O 3 Q 8 Procès-verbal d’exposition du 10/9/1813, pour l’ensemble de ce chapitre.

[18] A.M.O. Registre état civil décès Orléans 1813, n° 1203.

[19] Op.cit., p. 50

[20] A.M.O. Registre état civil naissances Orléans, 1824 n° 567.

[21] A.M.O. Registre état civil naissances Orléans, 1952, n°107.

[22] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 7/8/1823.

[23] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 12/12/1831.

[24] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 2/1/1829.

[25] A.D 45 2 L 9 Registre de correspondance active de l’hôpital général, 23/11/1839

[26] A.D 45 2 L 9 Registre de correspondance active de l’hôpital général, 16/12/1839.

[27] A.M.O 2D1 Arrêté du maire d’Orléans, 27 /11/1808.

[28] A.M.O 2D 3 Arrêté du maire d’Orléans, 25/8/1835.

[29] Pour ne pas alourdir le texte, les termes abandonné ou enfant englobent aussi les situations où une fratrie est concernée.

[30] A.M.O 2D 1 Arrêté du maire d’Orléans, 20/10/1818.

[31] A.D 45 2 L 11 Registre de correspondance active de l’hôpital général, 5/3/1849.

[32] A.M.O 2D 1 Arrêté du maire d’Orléans, 1/10/1816.

[33] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans,25/3/1818.

[34] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 27/8/1824.

[35] A.D 45 2 L 12 Registre de correspondance active de l’hôpital général, 20/1/1851.

[36] A.D 45 2 L 11 Registre de correspondance active de l’hôpital général.

[37] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 2/8/1833.

[38] A.D 45 2 L 11 Registre de correspondance active de l’hôpital général, 2/4/1847.

[39] A.D 45 2 L 12 Registre de correspondance active de l’hôpital général, 28/2/1853. L’enfant, interrogé ne fut pas en mesure de donner d’autres renseignements que son prénom. Il s’avéra qu’il était le frère de Céleste, un garçon d’un an déposé à la crèche qui était muni d’un billet attestant le lien de fratrie. Les deux enfants avaient été déposés ensemble mais Charles « avait été refusé, vu son âge, par la Dame religieuse de service. »

[40] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 22/8/1835.

[41] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 12/2/1826.

[42] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 18/12/1827.

[43] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 13/2/1821 et 13/9/1833.

[44] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 28/2/1831.

[45] A.M.O 2D 3 Arrêté du maire d’Orléans,1/2/1830.

[46] A.M.O 2D 3 Arrêté du maire d’Orléans, 7/5/1829.

[47] A.M.O 2D 3 Arrêté du maire d’Orléans, 23/2/1832.

[48] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans,25/3/1818.

[49] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 13/2/1824.

[50] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 3/11/1829.

[51] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 30/11/1827.

[52] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 23/10/1827.

[53] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 25/7/1827.

[54] A.M.O Registre état civil naissance, Orléans, 1856, n°11, deuxième Registre.

[55] A.M.O 2D 3 Arrêté du maire d’Orléans, 22/8/1828.

[56] A.M.O 2D 3 Arrêté du maire d’Orléans, 21/1/1833.

[57] A.M.O 2D 3 Arrêté du maire d’Orléans, 31/1/1837.

[58] A.M.O 2D 3 Arrêté du maire d’Orléans, 12/3/1833 pour les deux cas.

[59] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 28/12/1827 et 2D 2, 9/5/1835.

[60] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 19/12/1827.

[61] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 5/12/1825.

[62] Pierre Bergent, journalier et Jeanne Danat.

[63] A.D 45 2 L 12 Registre de correspondance active de l’hôpital général, 16/3/1853.

[64] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 14/10/1828.

[65] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 10/7/1835.

[66] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 24/11/1829.

[67] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 6/7/1829.

[68] A.M.O 2D1. Arrêté du maire d’Orléans, 1/10/1816.

[69] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 13/6/1832.

[70] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 29/8/1823.

[71] A.D 45 2 L 10 Registre de correspondance active de l’hôpital général, 29/1/1844.

[72] A.M.O. Registre état civil mariage Orléans, 1856 n° 71, deuxième registre.

[73] Il semble que le terme orphelin soit réservé aux enfants dont on est certain que les deux parents sont décédés. Un enfant dont la mère est morte et le père inconnu est considéré comme abandonné, ce qui est exact administrativement mais discutable dans la réalité.

[74] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 27/1/1836.

[75] On aurait pu penser que les enfants fussent pris en charge par Véronique la grande sœur de 23 ans mais malheureusement cette dernière était épileptique.

[76] A.M.O 2D1. Arrêté du maire d’Orléans, 4/3/1817.

[77] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 8/6/1854.

[78] A.M.O 2D1. Arrêté du maire d’Orléans, 9/4/1817.

[79] A.D 45 2 L 12 Registre de correspondance active de l’hôpital général, 15/2/1853.

[80] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 29/3/1831.

[81] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 23/3/1827.

[82] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 10/9/1821.

[83] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 18/8/1830.

[84] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 2/12/1825.

[85] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 20/10/1818.

[86] A.D 45 2 L 12 Registre de correspondance active de l’hôpital général, 23/9/1851.

[87] Sa mère était décédée à la maternité des suites de ses couches et son père avait disparu.

[88] A.D 45 2 L 12 Registre de correspondance active de l’hôpital général, 15/2/1853.

[89] A.D 45 2 L 12 Registre de correspondance active de l’hôpital général, 28/3/1850.

[90] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 3/1/1826.

[91] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 23/12/1826.

[92] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans,22/3/1827.

[93] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 2/11/1829.

[94] A.M.O 2D 1 Arrêté du maire d’Orléans,28/5/1807.

[95] C’est le cas de la veuve Adam qui reçoit 12 F pour le premier mois de garde de Pauline Blanchard, 5 ans. Un an après, elle n’avait rien touché d’autre et n’avait aucune nouvelle des parents. A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 20/3/1818

[96] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans,5/6/1833.

[97] Les Registres de correspondance active de l’hôpital contiennent de nombreux courriers annonçant le retour d’enfants dans leur département d’origine.

[98] A.M.O 2D 1. Arrêté du maire d’Orléans, 8/12/1808.

[99] https://www.geneanet.org/lichem3435bis

[100] A.D 45 Registre d’état civil des mariages de Chécy, 23/3/1868.

[101] A.D 45 Registre d’état civil des décès de Chécy, 5/10/1871.

[102] A.D 45 Registre d’état civil des mariages de Chécy, 14/10/1871

[103] A.M.O Registre d’état civil des décès d’Orléans 5/2/1891.

[104] A.M.O, Registre d’état civil des naissances de Ferrières-en-Gâtinais, 8/6/1848.

[105] A.M.O, Registre d’état civil des naissances de Ferrières-en-Gâtinais, 9/6/1848.

[106] On peut aussi s’interroger sur l’origine de la vêture de l’enfant : l’hospice ? les découvreuses ?

[107] A.M.O Registre d’état civil des décès d’Orléans, 15/6/1848.

[108] A.D 45 2 L 11 Registre de correspondance active de l’hôpital général, 9/4/1840.

[109] A.M.O Registre d’état civil des décès d’Orléans, 27/12/1831.

[110] A.M.O Registre d’état civil des naissances d’Orléans, 12/12/1826.

[111] A.M.O Registre d’état civil des naissances d’Orléans, 7/9/1828.

[112] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 1/10/1829.

[113]  A.M.O Registre d’état civil des décès d’Orléans, 23/1/1830.

[114] A.M.O 2D 2 Arrêté du maire d’Orléans, 1/10/1829. 1/7/1831.

[115] A.M.O Registre d’état civil des décès d’Orléans, 27/12/1831.

 

 

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Contributions à l'histoire de l'enfance aux XVIIIe et XIXe siècle
  • Intéressée par l’histoire, j’ai effectué, des recherches dans plusieurs services d’archives sur les thèmes de l’enfance, des sages-femmes. Vous trouverez dans ce blog les écrits rédigés à partir de ces recherches. N. Dejouy
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